Partage

Cet article est probablement parmi les plus difficiles à décider, puisque c’est une expression de contestation à l’endroit des Evêques de l’Eglise catholique du Burundi, tant chère à toute une vaste communauté. Toutefois, quoi qu’on puisse être catholique convaincu, tenu par tous les principes au respect de la hiérarchie ecclésiastique, on ne peut céder le droit de refuser la confiscation de l’autorité de notre Eglise par une partie du clergé pour satisfaire des besoins foncièrement personnels ou sectaires. Parce qu’il devient de plus en plus difficile pour nombreux fidèles d’assumer les déclarations de plus en plus obsédantes et tendancieuses de certains responsables de la plus grande communauté religieuse du pays.

En effet, ce dimanche 20 Septembre, la majorité des fidèles du Burundi ont été surpris par une très longue déclaration de la Conférence des Evêques Catholiques du Burundi, ressortie de leur réunion tenue à Gitega le 16 Septembre. D’emblée, il faut dire que ladite déclaration pourrait probablement être la plus médiocre jamais entendue de la part d’un clergé qui nous avaient plutôt habitués à des homélies formidablement conçues, avec une littérature qui caressent les tympans, même quand les arguments pouvaient aller à l’encontre des convictions de la majorité des fidèles.

A mon Eglise, l’assemblée s’est ennuyée et a manifesté son désaccord par des murmures grandissants, ce qui a contraint le prédicateur à solliciter leur patience à quelques paragraphes de la fin. Et à la sortie de la messe, des fidèles se sont ouvertement plaints contre cette nouvelle sortie manqué de l’Eglise : «Franchement, si j’avais su que nous allons avoir ce genre de message, je ne serais pas venu », regrettait un fidèle.

En ce qui concerne le contenu, on a tout simplement eu droit à la galère. Un sermon à la fois pro-putschiste, pro-rebelle et pro-impérialiste, mais aussi pour une fois, insolente. Le clergé a fait l’apologie des crimes dont une certaine opposition est responsable depuis ces dernières années, et particulièrement depuis le début de l’insurrection et le putsch dirigés par Pacifique Nininahazwe. La déclaration de ce dimanche montre des évêques entièrement acquis à l’idéologie des fossoyeurs de la démocratie, les insurgés et les putschistes. Les Evêques ont ôté le manteau d’annonceurs de la bonne nouvelle pour verser prédire « une guerre imminente », le langage alarmiste préféré des putschistes burundais.

La déclaration lue dans toutes les Eglises viole également le principe de respect de l’autre, quand elle qualifie certaines autres confessions religieuses « d’imposteurs », parce qu’elles prédisent un futur meilleur, parce qu’elles prêchent l’espoir. De plus, une attaque non moins violente a été implicitement menée à travers le message de Dimanche, contre ceux qui, y compris le Chef de L’Etat, ont critiqué l’attitude peu catholique de certains religieux qui outrepassent les limites de leur service.

Il est vrai que depuis peu avant les élections, l’Eglise n’avait pas beaucoup parlé. Les fidèles catholiques commençaient à se passer des nombreux manquements et dérives dont les évêques se sont rendus responsables par rapport au processus électoral. Tout comme les Burundais ont toléré les crimes commis par une bonne partie de la jeunesse enrôlée naïvement dans l’insurrection. Les autorités ont rassuré que personne ne sera inquiété pour la simple raison qu’il a pris part aux violentes manifestations, qu’il a lancé des pierres sur les policiers, qu’il a détruit des routes… Bien sûr, il y en a encore qui n’ont pas encore désarmé et qui ont juré de déstabiliser le pays. Il va de soi ; ceux-là ne peuvent pas être concernés par ces mesures de tolérance. D’ailleurs, l’enrôlement des enfants et des jeunes dans des entreprises insurrectionnelles et rebelles constituent une des plus graves crimes des opposants.

Beaucoup avaient donc nourri l’espoir que nos pasteurs seraient finalement revenus à la raison, et qu’ils pouvaient surpasser l’escroquerie des putschistes. L’effrayante participation active du clergé dans le torpillage du processus électoral et son soutien à l’insurrection avait déjà porté un lourd préjudice moral à cette institution. C’est incontestable, les poids lourds de la conférence des Evêques, dont son président Monseigneur Gervais Banshimiyubusa, son Adjoint Mgr Evariste Ngoyagoye, Mgr Simon Ntamwana et certains autres, sont connus pour leur aversion à l’ endroit du pouvoir Nkurunziza. Cela doit être la raison pour laquelle l’Eglise n’a pas condamné les atrocités commises par les insurgés, encore moins le putsch du 13 mai. On sait que si le coup d’Etat avait réussi, les pasteurs auraient dit, comme les putschistes eux-mêmes, « On n’est pas surpris… On s’y attendait… Le peuple en avait marre… Nous n’avons cessé de donner des conseils mais les gens n’ont pas voulu nous écouter… ». Pourtant, l’Eglise n’ignore pas qui est ce « peuple » dans les sens propre aux rebelles : les insurgés de quelques quartiers de Bujumbura, plus la poignée d’instigateurs de l’insurrection, qui ne peuvent en aucun cas représenter les Burundais.

Or, dans les termes électorales, le peuple Burundais ne peut signifier autre chose que ces millions d’électeurs qui ont bravé la terreur des soi-disant opposants pour aller se choisir ses représentants, cela par une participation impressionnante. Et puis, ce n’est pas parce que les Evêques ont contraint des prêtres responsables des CEPI et des CECI à claquer la porte du processus électoral et n’ont pas envoyé des observateurs que les résultats des urnes ne devaient pas être valides. Par ailleurs, quand dans sa déclaration, le clergé dit : « Certains estiment que les élections se sont bien déroulées, que les institutions sont déjà en place et sont à l’œuvre…, d’autres n’ont reconnu les élections ni ne reconnaissent les institutions qui en sont issues… et sont même prêts à les combattre…» (Traduction spontanée), l’Eglise attaque ni moins ni plus la souveraineté de ce peuple majoritairement catholique qui a décidé d’aller voter. Elle sacrifie l’honneur et la liberté des millions de ces fidèles pour plaire aux caprices d’une poignée d’insurgés, d’opportunistes et d’impérialistes.

Nous sommes donc en face d’une Eglise, ou plutôt d’un clergé qui, faisant semblant de faire respecter la démocratie, de la Constitution et des Accords d’Arusha, s’en fou de la voie électorale pour défendre la voie de la violence comme voie d’accéder au pouvoir. Ce que le haut clergé semble ignorer, c’est que les putschistes de 2015 ne sont autres que les mêmes qui ont malmené l’Eglise Catholique de tous les mauvais noms quand, à travers la voie de Mgr Ngoyagoye, elle avait été parmi les premières institutions observatrices à annoncer que les élections de 2010 s’étaient déroulées selon les standards reconnus internationalement.

Pour ceux qui ont la bonne mémoire, la RPA avait alimenté une polémique selon laquelle l’Eglise risquait de se vider de fidèles suite au soutien de l’Eglise Catholique à une « mascarade électoral » : « Quant à Mgr NGOYAGOYE, il doit justifier les raisons de son soutien au pouvoir qui reste sourd aux nombreux conseils en faveur de la suspension ou de l’arrêt du processus, tant que le litige issu des résultats du scrutin du 24/05/2010 n’est pas tranché équitablement… Ce qui se passera le 28/06/2010 ne sera rien d’autre qu’un coup d’état électoral que, j’ose espérer, Mgr NGOYAGOYE, ne cautionne pas, au risque de faire fuir de plus en plus de catholiques burundais vers d’autres obédiences religieuses ou areligieuses », peut-on lire dans un article de Gratien Rukindikiza, souvent repris par la RPA.

Dans la foulée, la mourante ADC-Ikibiri avait dans la foulée accusé les occidentaux de cautionner les « fraudes électorales ». Ainsi, la délégation belge dirigée par l’Ambassadeur Franck de Coninck, Envoyé Spécial de la Belgique dans la Région des Grands Lacs, s’était aussi attirée les foudres de Leonard Nyangoma qui, alors parlementaire, menaçait d’enclencher une motion d’expulsion contre ces « Bazungu venus s’immiscer dans les affaires des Burundais… ». Dans ces montages, Gratien Rukindikiza accusait certains occidentaux—ceux qui ont osé s’exprimer en faveur du résultat des urnes—d’avoir cautionné le vol en échange de concessions de la part du pouvoir Nkurunziza pour l’exploitation du Nickel.

Pour rappel, toutes les délégations d’observateurs locaux et internationaux y compris la presse locale pourtant essentiellement acquis à l’opposition, avaient unanimement accrédité le résultat des communales que celle les perdants pouvaient contester. Ban Ki-Moon avait qualifié ces élections des « plus démocratiques et transparentes que le Burundi ait connu ».

L’Eglise est-elle d’accord avec ces montages de l’opposition radicale? Si l’Eglise ne reconnait pas la partialité que l’opposition lui a injustement collée, tout comme elle l’a fait contre le gouvernement et la CENI, pourquoi le clergé ne parvient jamais à comprendre qu’elle à faire des escrocs ? D’ailleurs depuis lors, l’ADC-Ikibiri, la presse et la société civile se sont rendues coupables de nombreux crimes que l’opinion a tendance à négliger et que l’Eglise n’a jamais ouvertement condamnés, l’essentiel de ses grondements étant le plus souvent dirigés contre les victimes, le pouvoir et la population.

Des actes de terrorisme, nombreuses initiatives rebelles dans lesquels des milliers de jeunes recrutés par l’opposition ont déjà péri depuis 2010, des assassinats et des attentats terroristes, des enseignements de la haine, des actes de vandalisme et de sabotage de l’économie nationale, ainsi que nombreux autres crimes reposent sur le compte des radicaux burundais, appuyés matériellement et moralement par certains mercenaires. Il faut rappeler à l’opinion que l’essentiel de ses dérives ont été enregistrés avant même que personne n’ait encore évoquée la question de 3e mandat, le ridicule prétexte des putschistes, pour lesquels l’Eglise exige des négociations « inclusives ». A entendre la déclaration de la conférence épiscopale, pas question d’envisager de justice pour que les instigateurs de la violente insurrection et des crimes connexes.

Tout compte fait, les Evêques du Burundi n’ignorent pas qui ne veut pas la paix, ceux qui chantent la guerre tout le temps, ceux qui sont surpris chaque jour avec des arsenaux d’armes. Et une chose est sure, si l’Eglise avait entièrement mis son pouvoir au service de la paix ; si elle avait voulu aider la nation à ramener à l’ordre nos opposants probablement les plus arrogants et les plus violents de notre histoire, le Burundi serait de loin un pays enviable par toute la terre sur bien des plans. On ne va pas dire à la Conférence Episcopale du Burundi que l’Eglise va se vider, parce que les fidèles savent distinguer l’Eglise de leurs ambitions patriotiques. Mais les évêques sont eux aussi tenus de ne pas abuser du pouvoir qu’ils ne peuvent avoir que par l’existence de ces fidèles dont la souveraineté est sans cesse violée.

Par contre, s’ils ne veulent pas qu’on les prenne, malheureusement, pour des ingrats, les Evêques devraient rapidement et publiquement reconnaitre l’exploit des institutions présidées par le Chef de l’Etat ainsi que le « peuple burundais » en général pour avoir réussi à empêcher la propagation du feu que les putschistes ont tenté d’enclencher à partir de Bujumbura. Ils devraient sans tarder soutenir les efforts du gouvernement issus des urnes pour rapatrier au bercail les centaines de milliers de fidèles innocents conduits inutilement à l’exil, par la force du mensonge orchestré par les soi-disant opposants. Et ce ne sont en tout cas les évêques qui ignorent qu’une telle abomination, celle de provoquer un tel exode de citoyens pourtant paisibles pour en faire un fonds de commerce ne pourra rester impunie.

Yohani Mitagato