Il paraît que la parole politique est dorénavant interdite dans les Eglises, osons en discuter.
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En matière de parole politique l’Eglise catholique à travers l’histoire de l’humanité et ce, depuis son existence, ne s’en est jamais privée et pas toujours à bon escient et effectivement il est plus que temps que cette parole politique cesse dans les lieux saints afin que ces derniers servent exclusivement à leur mission première, à savoir le salut des âmes et la promotion de l’amour du prochain comme soi-même.

Dans une déclaration, la puissante Eglise catholique du Burundi appelle les prêtres et autres célébrants à « respecter les normes liturgiques pour la sauvegarde de la dignité de la célébration de l’eucharistie ». C’est un non-dit qui peut dérouter un non-initié.

Tout commence bien plus tôt car, prenant la parole politique, c’est le 8 Janvier 1454 que l’Église catholique et le Pape Nicolas V bénissent l’esclavage et la traite négrière. Cette bénédiction permettra et favorisera l’essor et l’établissement du commerce triangulaire, dont l’île vierge de Sao Tomé devient le symbole. Négociant des esclaves avec les élites du royaume Kongo contre les produits portugais pour les livrer à Elmina, comptoir de l’or sur la côte ghanéenne.

L’Église catholique a joué sur un triple registre négrier, en coproduisant une idéologie de légitimation de la traite et de l’esclavage des Africains et de leurs descendants ; en s’impliquant directement dans le partage des prédations négrières ; enfin en étant bénéficiaire économique et confessionnel de la traite négrière.

Bien plus tard, le 15 mars 1972, Mgr Makarakiza dénonce au Burundi un complot hutu. La sûreté générale administrée par Bizindavyi et le commandant NDIKUMANA partent en Tanzanie pour organiser une surveillance des Hutu, les frontières restent ouvertes. Le mois suivant, pendant le génocide d’avril 1972 Mgr Makarakiza bénira systématiquement les armes et leurs utilisateurs avant qu’ils n’aillent accomplir leur sale besogne. Rappelons qu’on célèbre cette année le 47ème anniversaire de ce triste pogrom qui a emporté plus de 15% de la population burundaise d’alors.

Très récemment, le conseiller à la Présidence s’était inscrit en faux à la fois contre une homélie du Prêtre Hermenegilde et la position de soutien de l’Eglise qui avait été exprimée par Mgr Simon Ntamwana. « Je ne sais pas si c’est pour exhiber sur la voie publique, encore une fois, sa quintessence politique que le Prélat Ntamwana vient à la rescousse de cet Abbé qui a préféré quitter la soutane pour porter un habit politique. » L’ambassadeur Nyamitwe ajoutait que, « Mgr Ntamwana ne représente point l’Eglise Catholique puisqu’il n’est pas président de la Conférence Episcopale encore moins Evêque du Diocèse de Bujumbura dans lequel le prêtre Icoyitungiye fait son ministère. » Concernant l’homélie de Vendredi saint, le conseiller à la Présidence la qualifiait d’homélie politique qui traduisait les deux morales contradictoires dans lesquelles naviguent certains bergers. »

Liant cette homélie aux propos de Mgr Ntamwana en décembre 2014 quand il a clairement plaidé que le Président Pierre Nkurunziza n’avait pas le droit de briguer un autre mandat en 2015 alors qu’il n’était même pas encore candidat, l’Ambassadeur Willy Nyamitwe déclare que « leurs homélies imbibées de politique sont très choquantes et constituent une pierre d’achoppement pour le Peuple de Dieu et en contradiction avec Vatican II qui met en avant le Peuple car c’est lui qui professe la foi des apôtres. » C’est la notion de « Sindumuja » explicité par Mgr Ntamwana , qui se transformera en philosophie politique anti 3ème mandat et qui permettra en toile de fond, au mouvement insurgé violent en 2015 de mettre la ville de Bujumbura à feu et à sang avec les dégâts matériels et humains qu’on connait.

Oui, nous sommes toutes ouïes d’accord avec ce principe d’extirper la parole politique dans les Eglises car elle n’a pas à y être et respectons le principe qui dit qu’à chacun sa chapelle, la politique aux politiciens.

 

Ruvyogo Michel