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Le mois dernier, le monde s’est réuni à Addis-Abeba afin de définir un cadre de financement pour l’agenda du développement durable.


Jeune Afrique

. Le mois dernier, le monde s’est réuni à Addis-Abeba afin de définir un cadre de financement pour l’agenda du développement durable.

Ce moment clé a donné un nouvel élan à la coopération au développement et a crée un socle solide pour l’adoption de l’agenda « post-2015 » plus tard cette année. Cependant la conférence d’Addis-Abeba est également importante car elle a marqué un changement de paradigme dans la façon dont nous pensons le développement. Ce rendez-vous s’est appuyé sur les conférences précédentes à Monterrey et à Doha, mais elle est allée plus loin en soulignant que l’investissement privé et la mobilisation des ressources domestiques sont tout aussi critiques pour la coopération au développement que l’assistance étrangère.

L’investissement privé éclipse déjà l’aide publique au développement (APD). Il y a quarante ans, l’APD représentait 70% du financement venant des pays développés vers les pays en voie de développement ; aujourd’hui, il ne représente que 13%. Selon l’OCDE, les pays en voie développement attirent plus de 50% des investissements directs étrangers dans le monde, contre moins de 20% en 1990. Et ce n’est qu’un début, car le potentiel est bien supérieur.

L’Afrique est particulièrement mûre pour des investissements privés supplémentaires. Avec sept des 10 économies les plus dynamiques de la planète, le continent africain est devenu la deuxième destination d’investissement la plus attrayante au monde selon la Banque mondiale. Toutefois, des infrastructures adéquates sont essentielles pour libérer le plein potentiel des flux d’investissements privés et pour veiller à ce que les chaînes de valeur mondiales élastiques soient réparties à travers le continent, plutôt que concentrées dans quelques pays.

À Addis-Abeba, la communauté internationale a convenu, parmi un certain nombre d’initiatives, de créer un Forum mondial des infrastructures afin d’identifier et de combler les lacunes dans ce domaine. Les États-Unis soutiendront cette initiative par le biais du Groupe de travail du G20 sur les infrastructures et les travaux de l’OCDE sur les infrastructures de transport et de télécommunications, ainsi que par des projets innovants tels que Power Africa. Annoncé par le président Obama en 2013, Power Africa mobilise des partenaires publics et privés dans le but de doubler l’accès à l’électricité en Afrique subsaharienne. Déjà, le projet a su réunir près de 32 milliards de dollars en engagements des secteurs public et privé.

Le Millennium Challenge Corporation (MCC) tire profit lui aussi des partenariats public-privé pour renforcer les infrastructures en Afrique. À l’occasion de mon mandat de PDG du MCC, j’ai pu me rendre compte à quel point ces partenariats sont efficaces pour faciliter le commerce, attirer les investissements et stimuler la croissance économique et le développement. Grâce aux partenariats portés par le MCC au Ghana et en Tanzanie, j’ai pu inaugurer des infrastructures routières qui sont autant de ponts permettant de faciliter le commerce régional et d’améliorer le quotidien des agriculteurs et des entrepreneurs locaux. Notre projet d’expansion du port de Cotonou au Bénin a attiré 256 millions de dollars en investissement privé. Notre projet d’électricité au Ghana a mené General Electric à construire un parc électrique d’une valeur de 1,5 milliard de dollars.

Bien évidemment, l’insuffisance des infrastructures n’est pas le seul obstacle à l’investissement privé. Le Cadre d’action pour l’investissement de l’OCDE, mis à jour cette année, reflète la réalité du fait que le climat d’investissement est influencé par un certain nombre de facteurs, parmi lesquels la gouvernance publique, la facilité de faire des affaires, le droit de la propriété, la primauté du droit et la stabilité politique. En s’appuyant sur cet outil, les États-Unis travaillent avec l’OCDE pour aider un certain nombre de pays africains à améliorer leur climat d’investissement.

Tout comme l’investissement privé est nécessaire pour produire la croissance économique, les ressources publiques nationales sont indispensables pour veiller à ce que cette croissance soit durable et que les bénéfices soient partagés à tous les niveaux de la société. En effet, les recettes fiscales aident les pays à financer leur propre développement et à investir dans les services publics tels que la santé, l’éducation ou encore les infrastructures. Aujourd’hui, la moitié des pays d’Afrique subsaharienne mobilisent moins de 15% de leur PIB en recettes fiscales, par rapport à une moyenne de 34% dans les pays membres de l’OCDE.

Voilà pourquoi nous avons lancé l’Initiative fiscale d’Addis-Abeba, qui promet d’aider les pays en voie de développement à améliorer leur administration fiscale. Les pays donateurs fourniront une assistance financière et technique pour aider leurs partenaires en Afrique et ailleurs à élargir leurs bases d’imposition, développer des institutions fiscales fortes et redoubler leurs efforts pour empêcher l’évasion fiscale. Ces efforts peuvent être soutenus par une participation accrue des pays en voie de développement dans le Forum mondial sur la transparence et l’échange de renseignements à des fins fiscales (« Forum mondial »), mené par l’OCDE.

Les recherches de l’OCDE indiquent que la coopération internationale dans ce domaine peut avoir un impact majeur. Grâce à un programme de renforcement des capacités, la Colombie a multiplié ses recettes fiscales venant des « prix de transfert » par dix, de 3,3 millions de dollars en 2011 à plus de 33 millions de dollars en 2014. Le soutien du Forum mondial a aidé par ailleurs l’Afrique du Sud à recueillir 62,3 millions de dollars par le biais d’un accord avec un seul contribuable.

En tant que membre de l’Initiative fiscale d’Addis-Abeba, les États-Unis augmenteront leur appui et l’assistance fiscale, tout en doublant les ressources de base pour le Bureau de l’assistance technique du département du Trésor avant 2020. Afin d’aider à lutter contre les flux financiers illicites, qui coûtent aux économies africaines des milliards de dollars chaque année, nous allons en outre intensifier le Partenariat États-Unis-Afrique contre les activités de financement illicite, annoncé par le président Obama l’an dernier.

Bien sûr, l’APD demeure une ressource précieuse, en particulier pour les pays les moins avancés et pour les États fragiles. Les États-Unis sont fiers d’être le premier contributeur mondial de l’APD avec près de 33 milliards d’engagements en 2014. Cependant la conférence d’Addis-Abeba a souligné le fait que l’assistance est d’autant plus efficace qu’elle est utilisée comme outil de transformation, c’est à dire comme un outil qui catalyse l’investissement et soutient la mobilisation des ressources.

Bien que beaucoup des progrès aient été réalisés depuis la première conférence sur le financement du développement en 2002, nous avons encore un long chemin à parcourir pour éradiquer l’extrême pauvreté et garantir que la croissance économique soit partout inclusive et durable. Ce qui est clair, c’est que nous aurons besoin de maximiser les trois sources de financement du développement que sont : l’assistance, l’investissement et les ressources domestiques si nous voulons relever les défis à venir.

Par Daniel Yohannes
Daniel Yohannes est l’ambassadeur des États-Unis auprès de l’Organisation de Coopération et de Développement Économiques (OCDE). Né à Addis-Abeba, il a travaillé dans le secteur bancaire et le développement économique pendant plus de trente ans