Les déconvenues de l’Union Africaine et de Paul Kagame
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Les déconvenues de l’Union Africaine et de Paul Kagame

La Commission de l’Union africaine (UA) enregistre déconvenues sur déconvenues. Le président en exercice de l’organisation continentale, le président Paul Kagame, n’est pas davantage épargné et la réforme de l’UA loin d’être validée. Au Gabon, en République démocratique du Congo (RDC) et en Centrafrique, les initiatives de la Commission de l’Union africaine sont plus ou moins poliment rejetées. Ces revers sont retentissants. Les ingérences et les atteintes à la souveraineté nationale sont directement adressées à Moussa Faki Mahamat et indirectement à Paul Kagame.

La réforme de l’Union africaine n’est pas aboutie

Le mandat de Paul Kagame, le 31 janvier 2019, se termine moins bien qu’à son début. Le tandem Kagame-Moussa Faki Mahamat fonctionnait à merveille. La réforme de l’Ua et de certains mécanismes a d’abord fait l’objet d’un relatif consensus, mais le Sommet extraordinaire de l’Ua d’Addis-Abeba, du 18 novembre 2018, a montré que les grands États comme l’Afrique du Sud, le Nigeria ou l’Égypte entendaient conserver leur pleine souveraineté. Les reports de certaines décisions, comme la taxation à 0,2 % de certaines importations ou le barème des contributions, doivent être contrariantes pour le président Kagame et Moussa Faki Mahamat qui voulaient une Union africaine plus indépendante et plus efficace qu’un club des chefs de l’État. Même si le nombre des Commissaires a été ramené de huit à six, leur nomination restera au niveau des chefs de l’État. Le président Kagame transmettra la présidence de l’Ua au Raïs égyptien, le Maréchal Abdel Fatah Al-Sissi, avec un sentiment mitigé sur son exercice.

La fin de non-recevoir au Gabon

L’hospitalisation à l’étranger, depuis le 24 octobre 2018, du président Ali Bongo Ondimba, pose évidemment un problème constitutionnel. La Cour constitutionnelle n’a pas respecté les articles organisant l’incapacité et la vacance présidentielles, mais a préféré se muer en organe constituant, pour écrire un nouvel article de la constitution. Moussa Faki Mahamat s’en est ému par un communiqué du 18 novembre 2018 et a annoncé qu’une mission » d’information et d’écoute viendrait rapidement à Libreville ». Il n’est pas étonnant que le ministre des affaires étrangères gabonais, qui était présent à Addis-Abeba pour le Sommet extraordinaire de l’UA, l’ait mal pris et l’a diplomatiquement fait savoir, en rappelant que le communiqué de l’Union africaine a été fait : » par des voies étonnamment inhabituelles ». L’Union africaine devra attendre…

Le rétropédalage en RDC

L’élection présidentielle en République démocratique du Congo (RDC) a donné naissance à des contestations non seulement venant du camp de Martin Fayulu, qui s’est déclaré floué, mais aussi de plusieurs États et d’organisations internationales. Plusieurs chefs de l’Etat se sont réunis à Addis-Abeba et à huis clos, le jeudi 17 janvier 2019, sous la présidence de Paul Kagame. Il en est ressorti un communiqué de l’Union africaine qui demandait de suspendre le processus électoral, tel qu’il était en cours de finalisation et annonçait une mission de haut niveau à Kinshasa, le 21 janvier 2019, qui aurait été coprésidée par Paul Kagame et Moussa Faki Mahamat. Le Conseil constitutionnel a pris de court cette initiative en proclamant la victoire définitive de Felix Tshisekedi, le 20 janvier 2019. Si la Zambie et l’Angola appuyait la position de Paul Kagame et Moussa Faki Mahamat, en revanche, l’Afrique du Sud et la Communauté de développement d’Afrique australe (SADC), ont très vite apporter leur soutien à Félix Tshisekedi. Il ne restait plus qu’à l’Union africaine de retirer son communiqué, d’annuler sine die son projet de visite à Kinshasa et de souhaiter bonne chance à Félix Tshisekedi. Cet échec de Paul Kagame est le plus important depuis très longtemps. Il faudra aussi que le nouveau président de RDC, qui prêtera serment le 24 janvier 2019, soit très attentif à ses prochaines relations avec l’Angola et la Zambie.

L’Union africaine en difficulté en Centrafrique

La Feuille de route pour la paix en Centrafrique, issue de l’Initiative de l’Union africaine, avait été signée à Libreville, le 17 juillet 2017, avant l’irruption de la Russie sur la scène centrafricaine, après octobre 2017. Le président Touadera, son quasi vice-président, ministre d’État et directeur de cabinet et ses conseillers dont des Russes et des Ivoiriens, préfèrent désormais se confier à la Russie et au Soudan plutôt qu’à l’Union africaine et au Rwanda, pour retrouver la paix. Selon des médias centrafricains, les relations personnelles entre Faustin-Archange Touadera et Moussa Faki Mahamat sont désormais dégradées. Son conseiller politique et en stratégie, initiateur de la Feuille de route, n’est plus le bienvenu en Centrafrique. Alors que l’Union africaine avait programmé une très importante réunion les 27 et 28 août 2018 à Bouar, avec les principaux groupes rebelles, le président Touadera laissait se réunir à Khartoum, exactement les mêmes jours, sous la présidence de son conseiller spécial russe, les quatre plus importants groupes rebelles avec leurs chefs. Les seconds couteaux ayant été réservés à Bouar, pour l’Union africaine.

Le jeudi 24 janvier 2019, c’est encore à Khartoum que se tiendra le premier Round de négociation avec une délégation pléthorique des autorités de Bangui et des représentants des différents groupes rebelles. Évidemment, la main sur le cœur, tous ces participants ne jurent que par la Feuille de route de l’Union africaine, mais à peu près tous ne voient que leurs propres intérêts personnels, qui peuvent être parfois paradoxalement convergents mais pas forcément pour la paix. Le choix de Khartoum ne fut évidemment pas facile, lors de la réunion de Bangui du 9 janvier 2019. Elle fut néanmoins acceptée par le représentant de l’ONU, Jean-Pierre Lacroix, Secrétaire général adjoint de l’Onu et responsable des Opérations de maintien de la paix. Il n’ignorait pas qu’Omar Al-Bechir est encore visé par des sanctions internationales et qu’en matière de paix, il n’était pas un bon exemple. Le président Touadera a réussi, avec un certain talent, sa plaidoirie pour Khartoum, en écartant les États de la CEMAC et en balayant d’un revers de main les préférences de la France. Quand à Moussa Faki Mahamat, il a préféré être prudemment représenté par l’Algérien Smaïl Chergui, président de la Commission Paix et Sécurité, qui comprend davantage le choix de Khartoum.

L’égyptien Sissi à la tête de l’UA

Ces déconvenues voire ces échecs laisseront des traces. Paul Kagame ne les oubliera pas et les comptes se régleront plus tard. Quant à Moussa Faki Mahamat c’est sa gouvernance qui est atteinte. Il en sort très affaibli et son autorité en subira des conséquences, d’autant que la prochaine présidence du Maréchal Abdel Fatah Al-Sissi sera moins consensuelle.

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Aza Boukhris – mondafrique.com