Un quart des fonctionnaires fédéraux sont concernés. Environ 420 000 d’entre eux, indispensables au fonctionnement de l’Etat, devront travailler sans recevoir de salaire jusqu’à la conclusion d’un accord, alors que 380 000 seront invités à rester chez eux, également sans être payés. « Espérons que le shutdown ne durera pas longtemps », a affirmé le président dans une vidéo postée sur son compte Twitter dans la soirée de vendredi.

La partie était écrite à l’avance. Faute de disposer d’une majorité suffisamment large au Sénat, le président savait qu’il n’avait aucune chance d’avoir satisfaction. Mais il a compliqué la situation du fait d’un style hétérodoxe déjà illustré cette semaine par la décision abrupte de retirer les troupes américaines déployées en Syrie. Elle a poussé à la démission, jeudi, son très respecté secrétaire à la défense, James Mattis, provoquant une onde de choc à Washington et bien au-delà.

Cet exercice solitaire du pouvoir s’est vérifié sur la question du « mur », une promesse de campagne qu’il n’a jamais pu concrétiser pendant deux ans en dépit d’un contrôle total du Congrès. Après avoir promis pendant la campagne présidentielle que le Mexique financerait cet ouvrage controversé, Donald Trump a multiplié cette semaine les changements de cap sans la moindre concertation avec la direction républicaine du Congrès.

Impopularité des « shutdowns »

Il a ainsi brutalement refusé jeudi une simple prolongation de deux mois du financement des départements fédéraux concernés, dont celui qui est chargé des frontières, sans le moindre dollar pour le « mur », alors que le Sénat l’avait adoptée à l’unanimité, croyant avoir le feu vert de la Maison-Blanche. La bronca de l’aile anti-immigration du camp conservateur, menée par l’inoxydable animateur radio Rush Limbaugh et la pamphlétaire Ann Coulter, avait convaincu le président de virer de bord.

Revenu au point de départ, une équation insoluble au Sénat, Donald Trump a alors enjoint le chef de la majorité républicaine à la haute assemblée, Mitch McConnell, de changer sur le champ les règles qui imposent une majorité qualifiée pour y faire adopter un projet de loi. Une option radicale que l’intéressé a déjà exclue à plusieurs reprises.

Donald Trump avait déjà ajouté la maladresse à la confusion en assurant, le 12 décembre, qu’il serait « fier de mettre à pied le gouvernement au nom de la sécurité des frontières »« J’en prendrai la responsabilité », avait-il ajouté à l’occasion d’une rencontre avec les responsables démocrates du Congrès. Il a changé de ton, vendredi, en assurant que ces derniers en seraient les seuls coupables, pour tenter de se dégager du piège qu’il s’était tendu à lui-même compte tenu de l’impopularité des shutdowns.

Le président n’a cessé de prendre son public à témoin, vendredi, par le truchement de son compte Twitter. « Les démocrates essaient de minimiser le concept du mur, le qualifiant de dépassé. Mais le fait est que rien d’autre ne marchera, et cela est le cas depuis des milliers d’années. C’est comme la roue, il n’y a rien de mieux », a-t-il assuré alors que la chaîne CNN exhumait les propos critiques de celui qui est aujourd’hui son chef de cabinet par intérim, Mick Mulvaney, qualifiant en 2015 cette solution de « simpliste ».

Impasse

Dans l’après-midi, la défense du « mur » a été brusquement remplacée par un plaidoyer pour une « magnifique (…) barrière » constituée de lames de métal, illustration à l’appui, qui n’avait pas plus de chance de convaincre les démocrates que la formule précédente.

Cette impasse a été complétée par deux informations défavorables pour l’administration américaine. Le ministre mexicain des Affaires étrangères, Marcelo Ebrard, a ainsi nié un accord annoncé par Washington, qui avait laissé entendre la veille que le Mexique avait accepté d’héberger les demandeurs d’asile pendant l’examen de leur dossier par les autorités américaines. « Nous n’avons pas signé de traité, nous n’allons pas le faire et tout le processus de demande d’asile ne se fera pas au Mexique », a-t-il assuré.

A la frontière entre San Diego, côté américain, et Tijuana, côté mexicain, le 21 décembre.© MOHAMMED SALEM / REUTERS A la frontière entre San Diego, côté américain, et Tijuana, côté mexicain, le 21 décembre.La Cour suprême des États-Unis a de son côté refusé d’annuler la suspension par une cour d’appel fédérale de San Francisco (Californie) d’un décret présidentiel signé le 9 novembre par Donald Trump. Ce texte, combattu par les organisations de défense des droits de l’homme, entendait mettre en place le rejet automatique des demandes d’asile déposées par des personnes ayant traversé illégalement la frontière.

Survenant après la hausse des taux d’intérêt décidée par la Réserve fédérale américaine (Fed, banque centrale), au grand dam du président, ce tumulte a contribué une nouvelle fois à la nervosité des marchés.

Vacances en Floride reportées

Au terme de la pire semaine depuis 2008, les principaux indices boursiers ont une nouvelle fois chuté, effaçant largement les gains de l’année écoulée. Les propos pessimistes d’un conseiller de Donald Trump sur le commerce, Peter Navarro, jugeant « difficile » un accord prochain entre Washington et Pékin ont encore ajouté au trouble.

Depuis son arrivée à la Maison-Blanche, le président s’était régulièrement appuyé sur la bonne santé de Wall Street pour vanter son action. Il n’en est plus question désormais.

Cerné par les affaires, à la tête d’une administration affaiblie par de nombreux départs, il a reporté son départ de la capitale fédérale alors qu’il avait prévu de passer les fêtes de fin d’année dans son club de luxe de Mar-a-Lago, en Floride. Avec comme perspective immédiate l’arrivée d’une majorité démocrate à la Chambre des représentants issue des élections de mi-mandat.

Le Monde.fr