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Excellence Monsieur le Président du Conseil de Sécurité,
Excellence Mesdames, Messieurs les Membres du Conseil de Sécurité,

Chers collègues participants,

1) Permettez-moi avant tout de vous remercier pour avoir convoqué cette importante réunion dédiée à la situation politique au Burundi et de féliciter sincèrement votre pays la Nouvelle-Zélande pour l’accession à la présidence tournante du Conseil de Sécurité pour le mois de juillet 2015.

2) Je remercie également tous les autres membres de ce prestigieux Conseil qui ne cessent de fournir des efforts fort remarquables pour contribuer à solutionner la situation actuelle au Burundi de façon paisible et durable.

3) Monsieur le Président, Ma délégation prend bonne note du contenu du Rapport du Secrétaire général sur la Mission électorale des Nations Unies au Burundi contenu dans le document S/2015/510 rendu public ce 7 juillet 2015. Je n’y reviendrai pas longuement car ledit rapport couvre la période d’avant les élections du 29 juin 2015. Aussi certains passages des 66 paragraphes qui le composent ne sont plus d’actualité, d’autres éléments d’information ont connu entre temps de nouveaux développements positifs. Je me permets donc de vous entretenir sur la situation du moment, et actualité oblige. Mais auparavant un petit commentaire sur la partie où le rapport parle de l’usage excessif de la force par la police nationale du Burundi. Cette accusation ne tient plus aujourd’hui car un des acteurs du putsch avorté du 13 mai 2015, un certain NGENDAKUMANA Léonard, vient de revendiquer publiquement toutes les grenades et autres actes de violence perpétrés contre les policiers et la population civile pendant l’insurrection en préparation au coup d’Etat, et après le putsch pour empêcher ou torpiller les élections. Cette revendication a été faite par l’entremise d’une chaîne de télévision Kenyane KTN et a été reprises par plusieurs autres chaînes occidentales comme la RFI, TV5 et DW, etc…

4) En affirmant sur la voie publique que ce sont les putschistes qui signent les attaques qui ont lieu dans le pays, y compris les grenades qui ont été lancées sur des femmes vendeuses de fruit à côté du marché central, ils viennent encore une fois de prouver que la communauté internationale s’est trompée de cible quand elle a attribué ces attaques aux jeunes affiliés au parti au pouvoir et à la police Nationale.

5) Sur ce, toute la communauté internationale devraient condamner ces violences aveugles revendiquées au grand jour et exiger l’arrêt immédiat de ces putschistes dans les pays qui les hébergent. Maintenant que les auteurs sont connus, ils doivent être tenus responsables de leurs actes et en répondre devant la justice.

Retour à l’actualité

6) Monsieur le Président, comme j’ai eu à le dire vendredi dernier devant ce même Conseil, à la veille des élections législatives et communales du 29 juin 2015, mon gouvernement avait un choix à faire entre deux options qui s’offraient à lui : Reporter les élections et accepter de tomber dans un vide institutionnel dont personne ne maitrise les conséquences jusqu’à présent. Aller aux élections suivant le calendrier actuel pour éviter de tomber dans un vide institutionnel à la fin des mandats des institutions actuelles issues des élections de 2010.

7) Ainsi donc, tenant compte du vide constitutionnel qui allait s’installer après la date du 7 juillet 2015 au terme du mandat des conseils communaux qui sont les seules habilitées à élire les Sénateurs, je dois dire que la logique du gouvernement était celle d’aller aux élections dans les limites prévues dans la loi fondamentale de 2005.

8) Comme vous l’avez bien suivi les élections ont eu lieu le 29 juin 2015 comme prévues dans la calme, la quiétude et aucun incident majeur n’a été signalé le jour des élections. Tous les observateurs nationaux et régionaux et surtout les observateurs des pays voisins, ont émis des rapports d’appréciation sur les conditions dans lesquelles les scrutins se sont déroulés. Une seule mission d’observation a émis des doutes dans son rapport pour des raisons que tout le monde connait. Je n’y reviendrai pas, j’en ai parlé hier devant la configuration-Burundi de la Commission de consolidation de la paix.

9) Nous remercions à cet effet le Peuple Burundais d’avoir répondu massivement à ce double scrutin pour élire leurs conseillers communaux et leurs députés.

10) Le taux de participation de 75% est un message clair à tous les burundais et partenaires du Burundi. Cela veut dire que la majorité silencieuse qui n’a pas participé aux manifestations pour être à la une des média avait soif de voter. C’est aussi un message voulant dire que rien ne peut légitimer une élection plus que le taux de participation. Le peuple Burundais a parlé Monsieur le président et l’on devrait respecter son expression.

11) Monsieur le Président, comme je le disais plus haut, la paix, le calme et la sécurité ont en effet caractérisé le déroulement du double scrutin que certains détracteurs de la démocratie burundaise avaient depuis plusieurs mois déjà qualifié de scrutin non crédible avant même qu’il n’ait lieu. La participation aux élections du 29 juin 2015 a été massive, très massive même, elle a été libre et transparente et apaisée. Elle fut le témoignage éloquent de la détermination du peuple burundais à vouloir renouveler les institutions du pays en fin de mandat, par la voie des urnes, une voie qui comme vous le savez, n’a aucune autre alternative en démocratie.

12) Au niveau de la Marie de Bujumbura la Capitale, malgré quelques cas isolés d’intimidation planifiés dans les quartiers dernièrement objet d’insurrection, et qui ont été heureusement déjoués par les agents de l’ordre, les citadins qui le souhaitent ont pu voter librement. Grace à la délocalisation de certains centres de vote, aucun n’incident majeur n’a été enregistré, mis à part le retard dans le début des opérations.

13) Dans les provinces à l’intérieur, sur les mille et une collines du Burundi, le comportement des électeurs a surpris plus d’observateurs tant nationaux qu’internationaux. En effet, vers 12 heures, plus de 95% d’électeurs inscrits s’étaient déjà acquitté de leur devoir civique de voter. C’est aussi un autre message. Le fait d’être très matinal veut dire que le peuple avait réellement très soif de s’exprimer après plusieurs reports des scrutins. Cela prouve aussi que ceux qui demandaient de reports interminables, prenaient en quelque sorte en otage la majorité silencieuse qui voulait à tout prix aller aux urnes.

14) En ce qui concerne la participation, nous avons remarqué que le jour du scrutin plusieurs partis politiques et indépendants y ont pris part. Certains ont même joué la stratégie dite du dehors et du dedans en faisant semblant de boycotter le scrutin tout en faisant du porte à porte pour convaincre les burundais de voter pour eux. Il convient de souligner ici que la Commission Electorale Nationale Indépendante (CENI), n’a jamais reçu de la part des partis, coalitions ou candidats indépendants de requêtes formelles demandant le retrait explicite des dossiers de candidatures ni pour l’élection des Conseils communaux, ni pour l’élection des Députés.

15) En conséquence, certains partis, coalitions et candidats indépendants ont eu des électeurs qui ont voté pour eux malgré le semblant de boycott annoncé dans les média de la place. C’est ainsi que dans le respect des droits civils et politiques reconnus par la Constitution du Burundi, en particulier celui d’élire et de se faire élire, la CENI a procédé à l’attribution des suffrages et à la répartition des sièges conformément à la loi aux listes qui les ont obtenus.

16) Si un parti politique, une coalition de partis ou de candidats indépendants n’occupe pas les sièges obtenus pour l’une ou l’autre raison, le Code électoral sera appliqué en la matière aux articles 138 du code électoral pour les députés, art.185 pour les conseils communaux et art.143 pour les sénateurs. Bref, l’appel au boycott de la coalition Amizero y’Abarundi (Hope of Burundi) dirigée par Agathon Rwasa était tout simplement « jeu tactique » mêlé de spéculations oiseuses.

17) S’agissant des résultats des législatives, selon le rapport de la CENI rendu public mardi le 7 juillet 2015, le parti au pouvoir, le CNDD-FDD a remporté 77 des 100 sièges et l’Uprona, un parti de l’opposition, a décroché deux sièges. La coalition de l’opposition des Indépendants de l’Espoir, dirigée par les opposants radicaux Agathon Rwasa et Charles Nditije, a quant à elle obtenu 21 sièges.

18) Nous osons espérer qu’Agathon Rwasa ne commettra pas la même erreur qu’en 2010 en renonçant aux sièges obtenus par caprice politique. Ce serait une erreur grave pour ce politicien et un double mépris envers ses électeurs, et nous comptons sur nos partenaires pour le conseiller dans le bon sens afin de lui éviter de basculer encore du mauvais côté de l’histoire.

19) Je voudrais saisir cette occasion pour remercier la population dans son ensemble, l’administration territoriale, les forces de l’ordre et de sécurité en particulier pour leurs actions conjuguées destinées à sécuriser les électeurs et les lieux des scrutins. Nous profitons en outre de cette opportunité pour féliciter et remercier vivement les nombreux observateurs nationaux, régionaux et internationaux qui ont sillonné les collines et les quartiers du Burundi pour suivre de très près le déroulement des élections du 29 juin 2015. Ils étaient plus de 200 observateurs régionaux et internationaux, plus ceux de la Menub, dotés d’accréditation à portée nationale et des milliers d’observateurs nationaux. Sur ce, nous estimons que les observateurs électoraux accrédités par la CENI ont contribué à la consolidation de la démocratie et de la paix dans notre pays.

20) Nous remercions les quatre chancelleries ressortissants de la République Sud-Africaine, de la République Unie de Tanzanie, de la République Ougandaise, de la République Kenyane, qui, à travers une déclaration félicitant la CENI d’avoir organisé et dirigé les premières élections communales et législatives dans une transparence sans faille et une liberté exemplaire où tous les partenaires politiques ont été invités à participer, ont montré que le Peuple Burundais avait soif des élections et qu’il est réellement démocratique.

21) Ce rapport des observateurs régionaux vient renforcer le rôle des acteurs régionaux et l’importance du respect de la dimension régionale par les acteurs extra continent.

22) Par la même occasion, Je ne peux pas ne pas remercier tous les pays et organisations internationales qui ont pris le courage en soutenant la souveraineté nationale et la légitimité du peuple Burundais à se choisir démocratiquement ses propres représentants dans les différentes institutions ainsi que la promotion de la dimension régionale ici au siège. Ils se reconnaitront à travers ce message.

23) Nous remercions en outre et profondément les associations de la société civile et religieuses qui ont eu le courage d’accompagner les élections et de jouer le rôle d’observateurs avec professionnalisme et neutralité avérés.

24) Nous remercions tout particulièrement les mandataires politiques qui ont bravé la faim, la fatigue et le sommeil pour l’amour de la démocratie et de leur Partis politiques respectifs. Ils ont montré sans détour la volonté de s’établir des institutions élues et de se faire diriger par des leaders issus de leur volonté démocratique. Ces mandataires ont été l’œil de leurs partis respectifs durant tout le cycle du scrutin, de l’ouverture des bureaux de vote jusqu’au dépouillement.

25) Nous remercions enfin les pays qui ont eu à accueillir les réfugiés Burundais à la suite d’un matraquage médiatique et politique plein de mensonges et rumeurs ayant poussé plusieurs personnes à fuir leur pays. Nous exhortons ces pays à aider le Burundi dans le rapatriement de ces réfugiés en leur montrant que la paix règne au Burundi et en les encourageant de revenir au bercail pour participer au renforcement de la démocratie dans notre pays.

26) Nous saisissons cette opportunité pour remercier ces milliers de réfugiés Burundais, estimes à plus de 40 mille, qui ont vite compris que les raisons de leur exil n’étaient pas celles qu’on leur exposait et qui se sont déjà rapatriés. Pour sa part, le Gouvernement reste très engagé à poursuivre des actions concrètes visant à créer des conditions favorables au retour au pays des réfugiés dignement.

Suite du processus et un mot sur le dernier Sommet de l’EAC

27) Monsieur le Président, je tiens à vous informer que nous avons bien accueilli les conclusions du Sommet de l’EAC tenu le 6 juillet 2015 a Dar Es Salaam en Tanzanie. Au cours du Sommet auquel le Burundi a participé activement, les leaders de la région ont émis des résolutions idoines pour trouver une solution pacifique et durable à la situation actuelle dans mon pays

28) Nous nous réjouissons tout naturellement de la désignation du Président Ougandais Kaguta Yoweri Museveni, pour piloter le dialogue inter burundais. Dans le même ordre d’idées, Nous sommes très satisfaits de voir la région reprendre le lead du dialogue au plus haut niveau. Ceci vient renforcer la cohérence et aspects régionaux de la résolution des crises et des paradoxes en Afrique.

29) Monsieur le Président, vous êtes sans ignorer que l’ONU est bien placée pour promouvoir une plus grande harmonie entre les dimensions sous régionales, régionales, continentales et internationales de la réponse aux crises post-conflit. L’expérience de terrain au Burundi a confirmé qu’une plus grande cohérence régionale et sous régionale est un facteur clé dans le soutien des efforts liés à la résolution des crises et des paradoxes.

30) Il est et il reste essentiel de continuer à intégrer les perspectives régionales et sous régionales dans le travail de la médiation. En effet, de nombreux pays peuvent préférer recevoir de l’aide et des conseils de pays pairs dans leur propre région, et les organisations régionales peuvent être mieux placées pour intervenir en temps opportun et d’aider à la prise de décision pour trouver des solutions à certaines questions sensibles. Nous nous réjouissons encore une fois que le Sommet de l’EAC du 6 juillet ait désigné un Président de la région pour diriger le dialogue inter burundais.

31) Avec le principe de subsidiarité et de proximité, l’Union Africaine est appelée à soutenir les initiatives sous régionale et laisser le lead aux acteurs sous régionaux de la Communauté Est- Africaine dans la conduite du dialogue inter burundais.

32) Monsieur le Président, je rappelle ici le fait que la désignation d’un acteur régional de très haut niveau et la récupération du lead par l’EAC dans le dialogue inter burundais vient répondre au Communiqué du Conseil de paix et de Sécurité de l’Union Africaine à sa 515ème séance, dans sa partie opérationnelle où le Conseil invite la Présidente de la Commission de l’Union Africaine d’initier immédiatement des consultations pour l’opérationnalisation de la facilitation internationale, sous les auspices de l’EAC.

33) En ce qui concerne le Report des présidentielles proposées par le Sommet de l’EAC au 30 juillet 2015, je dois préciser ici que le seul glissement possible dans le respect des limites constitutionnelles serait d’une semaine au plus. Ceci pour respecter scrupuleusement les prescrits de la Constitution du Burundi et du Code Electoral consensuel Art.103 de la Constitution et Art.91 du code électoral. Selon l’article 103, al.2, « L’élection du Président de la République a lieu un mois au moins et deux mois au plus avant l’expiration du mandat du Président de la République ». Pour notre cas d’espèce, un mois avant, ce serait le 26 juillet 2015 si on ne tient pas compte du 2ème tour.

34) L’art. 91 al.1 et 2 du code Electoral pour sa part, stipule que « l’élection du Président de la République a lieu au scrutin uninominal à deux tours. Le Président de la République est élu à la majorité absolue des suffrages exprimés. Si celle-ci n’est pas obtenue au premier tour, il est procédé, dans un délai de quinze jours, à un second tour ». Ce qui veut dire que ce délai requis pour organiser le 2ème tour le cas échéant est à chercher dans la fourchette de 15 jours qui précèdent le 26 juillet 2015.

Défis immédiats

35) Permettez-moi avant de terminer mon propos de faire partager les grands défis auxquels devra faire face le prochain gouvernement issu des élections de 2015 :

Restaurer la confiance entre burundais et renforcer la cohésion nationale par la poursuite des actions concrètes en faveur de la réconciliation nationale
Restaurer la confiance avec certains partenaires qui se sont exprimés de façon étanche contre le deuxième mandat au suffrage universel direct du Président Pierre Nkurunziza que certains ont appelé 3ème mandat.
Poursuivre le programme du désarmement de la population civile et en particulier les jeunes affiliés aux partis politiques de toutes les tendances.
Renforcer le secteur privé pour générer des emplois en faveurs de la jeunesse burundaise comme une meilleure alternative à la violence. Ceci est valable aussi pour la plupart des politiciens qui comptent trop souvent sur les postes politiques pour gagner leur vie. Ils doivent aussi trouver d’autres alternatives car l’Etat n’est plus un important pourvoyeur d’emplois.
36) Monsieur le Président, et c’est par ici que je boucle la boucle, je voudrais encore une fois vous rassurer que le Gouvernement du Burundi restera plus que jamais engagé à poursuivre le dialogue avec ses partenaires même après les élections en vue d’une réconciliation très sûre et durable. Nous poursuivrons également le dialogue franc avec nos partenaires en vue de restaurer une partie la confiance qui a été altérée suite à certaines prises de positions sur la situation politique du pays.

Je vous remercie Monsieur le Président!

Ambassadeur Albert SHINGIRO,

Représentant Permanent du Burundi auprès des Nations Unies lors de la réunion du Conseil de Sécurité sur la situation au Burundi, le 9 juillet 2015