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Discours de l’Ambassadeur Albert SHINGIRO, Représentant Permanent du Burundi auprès des Nations Unies lors de la Réunion du Conseil de Sécurité pour adopter une déclaration du Président sur la situation au Burundi, New York, le 26 juin 2015

Monsieur le Président,

Je voudrais d’entrée de jeu vous remercier vous personnellement et votre pays la Malaisie pour avoir convoqué cette importante réunion sur l’adoption d’une déclaration du Président du Conseil sur le Burundi
Permettez-moi également de saluer la présence parmi nous de M.Jeffrey Feltman, Secrétaire Général Adjoint aux Affaires politiques que je rencontre trop souvent ces derniers temps pour parler du Burundi.
Monsieur le Président,

Le Gouvernement de la République du Burundi apprécie à leur juste valeur les efforts déployés par la Communauté internationale pour accompagner le peuple burundais vers des élections libres inclusives et pacifiques. C’est dans ce cadre que le Gouvernement a salué la nomination d’un nouveau facilitateur en la personne du professeur Abdoulaye Bathily après que son prédécesseur Saïd Djinnit ait été contraint de démissionner par les partis de l’opposition radicaux hostiles à la tenue des élections au Burundi.
En ce qui concerne le Calendrier électoral, le Gouvernement a consenti son report à trois échéances successives sur recommandation des différents partenaires entre autres le sommet des Chefs d’ Etats de l’Afrique de l’Est tenu en date du 31 mai 2015, pour donner le temps aux partis qui refusaient de participer aux élections de se préparer, et ainsi éviter tout prétexte qui justifierait le boycott.
De toutes les façons, étant donné que dans tous les pays du monde que nous représentons ici, les élections constituent le socle de l’indépendance et de la démocratie, même si le Gouvernement est d’accord avec le principe d’un dialogue avec tous ses partenaires politiques, ce dernier ne pourrait s’inscrire en dehors des contraintes constitutionnelles, car l’autorité en charge de la convocation des élections à savoir le Chef de l’Etat, tomberait sous l’accusation de haute trahison, au terme de l’article 117 de la Constitution sur laquelle il a juré avant d’entrer dans ses fonctions de Président de la République.
Par ailleurs, la population, les partis politiques et coalitions politiques présents sur terrain en pleine campagne électorale depuis plus d’un mois sont déjà fatigués par les reports successifs des élections et se montrent de plus en plus impatients d’aller aux scrutins. Ils ne pourraient tolérer que leurs droits civiques d’élire leurs dirigeants soient confisqués par les caprices de quelques politiciens, et la Communauté internationale doit comprendre cette légitime revendication.
Ainsi comme déjà annoncé, le calendrier, le plus reculé possible, techniquement et constitutionnellement acceptable pour éviter le vide institutionnel et le désordre politique qui s’en suivrait reste le suivant :
a.- Elections des Conseillers Communaux et des Députés : le 29 juin 2015,

b.- Election du Président de la République : 15 juillet 2015,

c.- Election des Sénateurs : 24 juillet 2015.

Le Gouvernement du Burundi s’étonne du comportement des politiciens qui osent dirent qu’ils souhaitent encore une fois le glissement du calendrier électoral. On se demande quel est le genre de glissement du calendrier électoral ils veulent ? Ces politiciens disent aussi qu’ils souhaitent un calendrier électoral émanant d’un consensus de toutes les parties prenantes.
Nous tenons à vous informer que nulle part dans la constitution burundaise n’est écrite que le calendrier électoral est établi par les hommes politiques. C’est la Commission Electorale Nationale Indépendante (CENI) qui a les prérogatives d’établir le calendrier électoral, comme le prévoit l’article 91 de la constitution. Et la CENI a pu respecter cette disposition. Cet organe chargée d’organiser les élections a consulté les parties prenantes en date du 8 juin 2015 et les clauses de cette rencontre ont été tenues en considération lors de l’élaboration de l’actuel calendrier électoral, et c’est juste le dernier calendrier possible qui respecte la constitution de la République du Burundi.
Nous avons des dates rouges, très rouges même, qui sont les boussoles de la paix et de la stabilité dans notre pays. Ces dates limites du mandat des institutions issues des élections de 2010 doivent être strictement respectées.

Dans les conditions actuelles du processus électoral et compte tenu de l’intransigeance de l’opposition radicale à vouloir chaque fois reporter les élections, le gouvernement avait un choix à faire entre deux options, à savoir :
Reporter les élections et accepter de tomber dans un vide institutionnel dont personne ne maitrise les conséquences jusqu’à présent.
Aller aux élections suivant le calendrier actuel pour éviter de tomber dans un vide institutionnel à la fin des mandats des institutions actuelles issues des élections de 2010.

Ainsi donc, tenant compte du vide constitutionnel qui pourrait s’installer après la date du 7 juillet 2015 au terme du mandat des conseils communaux qui sont les seules habilitées à élire les députés, je dois dire que logique du gouvernement est celle d’aller aux élections dans les limites prévues dans la loi fondamentale.
Pour ce qui est du dialogue politique recommandé, il y a lieu de rappeler que le report successif des élections de la part du Gouvernement ainsi que la mesure de suspendre l’exécution des mandats d’arrêt contre les organisateurs des manifestations violentes, l’ouverture de la maison de la presse, sont des preuves de plus de sa bonne foi, alors qu’en contrepartie, aucun geste positif n’apparait du côté de l’opposition radicale opposée aux élections et qui visiblement se comporte comme un enfant gâté, qui réclame et obtient tout. Le dialogue, qui par ailleurs fait partie du processus de paix, se poursuivra bien entendu même après les élections qu’une écrasante majorité attend avec impatience.
Quant au climat sécuritaire des élections, le programme de désarmement des populations civiles se poursuit normalement et le Gouvernement rappelle à l’opinion, que des instructions ont été données à la Commission nationale en charge du Désarmement, d’accélérer le rythme de récupération de toutes les armes détenues illégalement par la Population. En plus de plus de cent mille armes à feu déjà récupérées par les forces de l’ordre dans le cadre du programme de désarmement, plusieurs autres sont en train d’être saisies ces dernier jours un peu partout dans le pays, particulièrement dans les quartiers dernièrement occupés par les insurgés dans la capitale Bujumbura.
Mais pour arriver à des résultats encore plus performants, le Gouvernement a invité tous les partenaires sociaux à contribuer à cette tâche pour que personne ne se sente exclu du domaine sécuritaire particulièrement durant cette période électorale. Pour sa part, le gouvernement tient à rassurer toute la population et les observateurs internationaux, que toutes les dispositions ont été prises pour assurer la sécurité durant toutes les étapes des élections. Le Gouvernement ne donnera aucune une brèche aux politiciens mal intentionnés qui veulent torpiller les élections.
Pour ce qui est de la campagne électorale: Elle est en cours, cette fois avec tous les partis politiques et les acteurs politiques indépendants impliqués dans le processus électoral en cours. Nous avons plus de partis politiques qui participent à ces élections par rapport à celles de 2010. Les appels de certains politiciens de reporter encore et encore les élections sont motivés par leurs attentes désespérées sur le résultat des élections car ils ne disposent pas des militants sur le terrain. La vérité est qu’il serait mieux pour eux d’avoir un gouvernement de transition où ils peuvent obtenir quelque chose plutôt que de dépenser leurs maigres économies pour rien.
S’agissant du retour des réfugiés, le Gouvernement en fait une de ses préoccupations prioritaires, et se réjouit du retour progressif et satisfaisant de certains, tout en déplorant le départ d’autres suite aux rumeurs propagées par certains activistes pour des fins politiques. Le rapatriement des réfugiés étant un processus, le Gouvernement s’investit dans la sensibilisation de ces derniers pour leur retour volontaire, et ce en partenariat avec le HCR et les pays d’accueil. Des missions ont été régulièrement envoyées et d’autres sont prévues pour échanger sur les modalités de leur retour, qui sans nul doute, seront plus accélérées une fois les élections terminées. Environ 40 mille réfugiés qui avaient fui les rumeurs sont de retour au pays.

Permettez-moi Monsieur le Président de revenir et d’insister sur le respect de la dimension régionale. Bien que cette dernière ait été privilégiée dans nos discours il y a quelques années, nous constatons par moment que son respect n’a pas été complet et qu’il reste encore une place à l’amélioration. A titre exemplatif, nous constatons par moment, un déficit réel entre les positions sous régionales et continentales et celles de certains acteurs non africains dans le traitement de la situation politique au Burundi. En toute logique, les Nations Unies et les autres partenaires hors continent devraient s’aligner pleinement aux positions des acteurs régionaux qui connaissent mieux l’histoire et la culture des pays concernés. C’est ce que j’appelle une approche de proximité. Personne ne peut prétendre accorder plus d’importance au respect de l’accord d’Arusha plus que la Tanzanie, pays où il s’est négocié et conclu.
Monsieur le Président, je reviens sur l’importance que mon Gouvernement accorde au respect des délais constitutionnels. Nous ne pouvons pas en tant que Gouvernement responsable entrer dans le trou/vide institutionnel quand on le voit venir. Après l’échec du plan Burkina Faso au Burundi, c’est-à-dire des manifestations violentes suivies de coup d’Etat, puis de transition, certains partenaires veulent cette fois-ci tenter le plan de Côte d’Ivoire dans mon pays, c’est-à-dire des reports interminables d’élections jusqu’au vide institutionnel, puis la suite que vous avez vue tous à Abidjan.
Monsieur le Président, je termine mon propos en sollicitant la compréhension de la communauté internationale et le Conseil de Sécurité par rapport à cette position du Gouvernement qui lui évite un vide constitutionnel et un chaos dans le pays. Nous restons convaincu que l’option d’un report additionnel à 48 heures avant les élections, ferait plus de mal que l’option de laisser le peuple burundais choisir ses dirigeants. « une élection non parfaite est mieux qu’une non élection ».
Avant de boucler la boucle, je dois vous informer que Burundi vient de perdre des militaires en Somalie qui prestaient au sein de l’AMISOM. Cette perte de braves filles et fils du Burundi qui viennent de mourir en mission de paix à l’étranger, au lieu de nous décourager, ne donne plutôt plus d’énergie et de détermination pour combattre pour la liberté de nos frères Somaliens.
Je vous remercie Monsieur le Président!