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Le secrétaire général de l’ONU a condamné le dimanche 24 mai 2015 l’assassinat de l’opposant burundais Zedi Feruzi. Il a demandé que des enquêtes rapides soient diligentées pour faire la lumière sur ce crime crapuleux. En même temps, il a recommandé aux activistes et aux opposants de ne pas en faire un prétexte pour se retirer du dialogue avec le gouvernement. Le message était clair: pas de conclusions hâtives sur les responsables de l’assassinat et pas de manoeuvre dilatoire pour faire pourrir une situation déjà très explosive.

Le dimanche 24 mai, le dialogue s’est poursuivi sous la médiation de l’envoyé spécial de l’ONU dans la région des Grands Lacs, des émissaires de l’Union Africaine, des facilitateurs du COMESA, de l’EAC et de la CIRGL. La méditation et les protagonistes burundais tombent d’accord sur une urgence: organiser les élections avant que les délais légaux ne soient dépassés. Car ce serait créer un vide institutionnel. La coalition contre un nouveau mandat de Nkurunziza exige l’annonce de l’abandon de l’ambition de Nkurunziza et accorde une dérogation au parti CNDD-FDD de proposer un autre candidat. Autrement dit, elle agit comme si elle avait le pouvoir! Le camp de Nkurunziza exige le respect de la décision de la cour constitutionnelle et de tous les Burundais de la majeure partie du pays qui ne soutiennent pas le mouvement des manifestations.

Pour le moment, la médiation fait remarquer que le réalisme politique devrait primer sur les passions. La coalition contre un nouveau mandat de Nkurunziza ne peut plus se voiler la face: les manifestations voulues pacifiques ont vite dégénéré en violences qui rappellent à bien des Burundais le cauchemar des années 1994-2000. La communauté internationale au départ très virulente envers Nkurunziza commence à se retirer et à condamner ces violences barbares. La donne du putsch manqué qui a été cautionné par les manifestants et les activistes a jeté un discrédit sur le mouvement. Aux yeux de la majorité des Burundais et de bien des pays de par le monde, la tentative de renversement des institutions par la force militaire est un gâchis.

La méditation fait également remarquer que le gouvernement ne peut plus continuer à affirmer que les conditions sont remplies pour organiser des élections apaisées. Même s’il peut le faire et avoir trois ou quatre partis qu participent, elles seront entachées: pas d’observateurs étrangers, pas de couverture médiatique. Donc peu de crédibilité au niveau internationale. D’où la recommandation de la médiation d’arrêter sans délais le mouvement des manifestations, d’aller aux élections avec Nkurunziza comme candidat réclamé par une grande majorité des Burundais, de lever les mandats d’arrêt qui ont été lancés contre les activistes, de laisser les médias privés reprendre leurs activités et bénéficier des aides étrangères pour se reconstituer et de s’incliner devant le verdict des urnes. La coalition contre le nouveau mandat de Nkurunziza accepterait toutes les recommandations sauf celle de laisser Nkurunziza briguer encore une fois le fauteuil présidentiel. Les négociations se poursuivent et la balle est plus que jamais dans le camp des opposants.

L’assassinat de Zedi Feruzi vient enfoncer le clou dans le pied des opposants car le gouvernement a fait remarquer hier qu’à cause des barricades et de ce mouvement incontrôlable des manifestants, la police a été empêchée le samedi soir d’intervenir pour démarrer les enquêtes. Les manifestants qui étaient officiellement en trêve se sont vite rassemblés autour des barricades et ont empêché la police d’accéder au lieu du crime. Il a fallu trois heures de négociations pour que les manifestants ouvrent les passages. Ce qui a fait croire que dans ces conditions, les responsables de la coalition contre un nouveau mandat de Nkurunziza doivent comprendre que leurs responsabilités sont engagées dans tous les cas où des personnes sont tuées, molestées ou prises en otage. Avec cette montée du terrorisme, la médiation exhorte la coalition contre un nouveau mandat de Nkurunziza à se faire violence dans l’intérêt de la paix. Elle fait remarquer que le mouvement est peu représentatif des aspirations du peuple burundais qui, dans l’intérêt de la paix, considère que les rédacteurs de la constitution ont piégé le pays. Monseigneur Evariste Ngoyagoye était d’ailleurs hier opposé à la reprise des manifestations et a souhaité que la population puisse avoir encore cette trêve car c’est un lundi de pentecôte. Il est allé jusqu’à faire cette demande sur le plateau de la RTNB. Hélas, Pacifique Nininahazwe n’était pas de cet avis et continuait à écrire sur les réseaux sociaux que les manifestations devaient reprendre. Dans la matinée de ce lundi, nos informateurs à Bujumbura nous ont rapporté la reprise des manifestations à Nyakabiga, Ngagara et Musaga.

Ce qu’il faut noter: l’assassinat de Zedi Feruzi a été bien préparé. La coalition contre un nouveau mandat de Nkurunziza a tenté de le récupérer en vain. D’autres assassinats sont redoutés. Mais déjà la communauté internationale change de ton envers le régime de Bujumbura. Elle s’est opposée par principe aux ambitions de Nkurunziza de rester plus de dix ans au pouvoir. Mais elle comprend de plus en plus la particularité du cas burundais. Elle se rend compte que les manifestations mènent dans une impasse et que surtout les dérapages prennent une tournure de terrorisme. Or, elle est engagée à lutter partout contre le terrorisme!

L’autre constat est que la région a été reconnue comme unique cadre adéquat pour apporter une solution appropriée à la crise burundaise. Toutes les organisations et la plupart des États de la région considèrent Nkurunziza comme une solution et non plus le problème. Cela exige que les protagonistes burundais trouvent un compromis en ce sens. Mais Nkurunziza ne peut plus diriger le pays comme ces dix ans passés. La Belgique encourage d’ailleurs l’opposition à s’investir pour décrocher un nombre important de députés. Tout gagnant de ces élections doit apporter une solution à ce problème du chômage et du désespoir de ces jeunes qui sont dans les rues.

Au-delà de la protestation contre un mandat, c’est un système de gestion du pays et du gâteau national qui a été contesté. Le changement ne peut plus se limiter aux simples promesses électorales. L’accord de sortie de crise devrait clairement proposer les chantiers à démarrer pour créer des emplois, revoir les pratiques de recrutements et clarifier la part de l’exploitation des ressources naturelles ( or, nickel, coltan, cobalt etc.) dans la lutte contre le chômage et la pauvreté et un meilleur contrôle des marchés de construction des routes et des barrages hydroélectriques. .
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