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liste_des_documents_declassifies_sur_le_rwanda.pdf En France, les documents déclassifiés la semaine dernière par l’Elysée sur le Rwanda entre 1990 et 1995 portent sur 41 notes. A ces dernières, il faut ajouter 31 comptes-rendus des points hebdomadaires rédigés par Bruno Delaye, le conseiller Afrique de l’ancien président François Mitterrand. Selon un responsable des archives nationales, les pièces indiquent que l’Elysée, même en période de cohabitation, suivait le dossier rwandais de très près. Aucun titre de document ne porte explicitement sur l’opération militaire française Turquoise.

La note publiée dans la nuit du 6 au 7 avril sur l’attentat contre l’avion des présidents du Rwanda et du Burundi, qui marque le début du génocide, retiendra sans doute l’attention des historiens. Elle figure dans un dossier qui a pour cote AG/5 (4)/BD. « AG » désigne les archives de l’exécutif, le chiffre « 5 » désigne la Ve République et le chiffre « 4 » la présidence de François Mitterrand, quatrième président depuis 1959, la date de la prise de fonction de Charles de Gaulle. « BD », ce sont les initiales de Bruno Delaye, conseiller pour les Affaires africaines du président Mitterrand de juillet 1992 à mai 1995.

Le fonds comprend aussi un compte-rendu du Conseil restreint qui s’est tenu le 12 avril, cinq jours après l’attentat. Selon un « état des sources » des documents de la présidence relatives au Rwanda transmis à RFI par les Archives nationales, 30 des quelque 70 documents déclassifiés, mardi 7 avril 2015, portent sur la période du génocide des Tutsis. Etaient tamponnés « confidentiels » sur cette période des résumés de conseils restreints, des points hebdomadaires du conseiller Afrique du président, des archives d’Hubert Védrine, alors secrétaire général de l’Elysée, et de son adjointe, Anne Lauvergeon.

On retrouve aussi une note sur la mission de Bernard Kouchner de mai 1994 au Rwanda, officiellement pour raison humanitaire et, officieusement, pour rencontrer des dirigeants des rebelles du Front patriotique rwandais (FPR). Une autre pièce, également intitulée « Kouchner », est datée du 21 juin 1994, la veille d’entretiens à Paris entre des officiels français et des représentants du FPR.

Le fonds comprend aussi des archives sur une période qui précède le génocide, notamment une note d’information sur des offensives des rebelles du FPR, en 1993, que la France a contribué à repousser.

Selon l’entourage de l’actuel président français François Hollande, il ne faut pas s’attendre à ce que ces documents provoquent des remous. Cependant, la liste des pièces sur le Rwanda durant cette période est assez fournie et « c’est loin d’être incomplet », relève Jean-Charles Bédague, adepte de la litote. « C’est d’autant plus remarquable que la France était alors en périodes de cohabitation, périodes durant lesquelles certains canaux d’information vers l’Elysée sont souvent fermés », relève le chargé des archives présidentielles de la IIIe, IVe et Ve République.

Les documents déclassifiés sont conservés dans des cartons qui contiennent des pièces qui n’ont pas été déclassifiées. Elles « sont parfois tout aussi riches en enseignement, voire encore plus riches », confie le chargé des archives présidentielles.

Rien sur l’opération Turquoise ; peu d’archives du fils de Mitterrand

Aucune note ne mentionne explicitement l’opération controversée Turquoise. Quant aux archives de Jean-Christophe Mitterrand, ces dernières se limitent aux années 1987 et 1988. Or, le fils du président défunt a été conseiller Afrique jusqu’en juillet 1992. Il a sans doute transmis ses autres notes à son successeur, mais pour l’heure, rien ne permet de l’affirmer avec certitude.

Des archives sur le Rwanda avaient déjà été déclassifiées dès 2014

Une dizaine de documents émis par le secrétariat général de la Défense et de la Sécurité nationale a été déclassifiées le 24 décembre 2014. Ces documents sont également conservés parmi les archives présidentielles de François Mitterrand. La majorité de ces pièces sont des notes et des télégrammes diplomatiques. Ils portent sur la coopération militaire entre la France et le Rwanda, mais aussi sur l’opération Turquoise, l’opération militaro-humanitaire controversée lancée en juin 1994 par la France, avec l’aval de l’ONU. Il s‘agissait de protéger les civils, mais des journalistes et de nombreux responsables rwandais accusent les soldats français de Turquoise d’avoir agi pour faciliter la fuite des génocidaires vers la République démocratique du Congo (RDC) et d’avoir cherché à ralentir l’offensive des rebelles du Front patriotique rwandais sur Kigali.

De sources proches de François Hollande, les documents sur Turquoise ont surtout été émis par les ministères de la Défense et des Affaires étrangères. Les deux n’ont toujours pas achevé la déclassification de leurs documents sur le Rwanda. Cela signifie que ces documents, même s’ils ont été transmis à l’Elysée et sont donc conservés dans les archives de la présidence, ne sont toujours pas accessibles au public.

Consultation, mode d’emploi

Les historiens et journalistes qui souhaitent consulter les pièces doivent s’adresser aux Archives nationales qui transmettront leur demande à Dominique Bertinotti, mandatée par François Mitterrand pour délivrer les autorisations de consultation. Environ trois quarts des demandes portant sur les archives de François Mitterrand en général sont satisfaites, « celles qui sont rejetées le sont pour des raisons légales et non pour des raisons d’opportunité », explique Jean-Charles Bédague. Le responsable du « pôle Chefs de l’Etat » aux Archives nationales précise qu’en 2014, 70 personnes ont demandé à consulter 1 300 dossiers sur des sujets divers de la présidence Mitterrand.