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Bas les pattes ! Du Burundi aux Congo, en passant par le Rwanda, le message est identique : “on ne touche pas à la Constitution”. Tel est le mot d’ordre des gardiens, occidentaux, du dogme démocratique, et de leurs relais dans les sociétés civiles africaines. La Constitution serait un texte “sacré”, vis-à-vis duquel il est recommandé d’entretenir un rapport déférent. Tel un tableau de maître, la Constitution se contemple. Tel est un tableau de maître elle est immuable. Tel un tableau de maître elle est éternelle.
Pourtant les observateurs, même inattentifs, auront remarqué que seuls les peuples africains sont invités à regarder leurs constitutions les mains attachées dans le dos. Sous d’autres cieux les constitutions sont pourtant “toilettées” (pas “touchées”, c’est vrai) à l’occasion. Sous ces cieux, il est admis que les constitutions ont une date de péremption ; il est admis qu’elles vieillissent mal et qu’à l’occasion quelques retouches judicieusement administrées sont nécessaires afin qu’elles conservent leur actualité.

Il faut donc comprendre que le “repoudrage” des constitutions est un privilège des gouvernements dits démocratiques. Les cancres de la démocratie sont quant à eux condamnés au respect de constitutions vieillottes et poussiéreuses. Précaution assurément indispensable, à défaut d’être dissuasive, pour les potentats qui rêvent d’éternité au pouvoir. Mais précaution potentiellement contre-productive aussi : si la limitation des mandats présidentiels, puisque c’est à cette seule aune (malheureusement) qu’est abordée la question constitutionnelle en Afrique, est une contrainte qui se justifie dans des sociétés matures, elle peut entraver l’oeuvre transformatrice de leaders d’exception en Afrique. Car rénover des sociétés aussi dysfonctionnelles que les sociétés d’Afrique subsaharienne (en particulier d’Afrique francophone) est nécessairement un travail de longue haleine. Par conséquent, la Constitution qui siérait le mieux aux intérêts des pays africains est celle qui réussirait le tour de force de lier les mains de potentiels autocrates tout en offrant à d’éventuels leaders éclairés le temps nécessaire à la transformation de leur pays.
Mais au-delà, la sacralisation des constitutions africaines (notamment celles des pays d’Afrique francophone) ne répond pas à la question, fondamentale, de leur légitimité et de leur caractère démocratique

Cet article est tiré de l’analyse faite par Yann Gwet sur JeuneAfrique, Gwet est un entrepreneur et essayiste camerounais. Diplômé de Sciences Po Paris, il vit et travaille au Cameroun.