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source :ppbdi.com, 14 / 01 / 2015

Toute la population n’est pas au courant de sa compétence

En vue de gérer de fond en comble les problèmes des terres et autres biens occasionnés essentiellement par les périodes de crises que le pays a traversées, le gouvernement du Burundi a mis en place une Cour spéciale à cette fin. Cette cour fonctionne depuis le mois d’octobre 2014, mais la population n’est pas encore au courant de son organisation, sa composition, son fonctionnement, sa compétence et la procédure suivie devant elle.

Au quinzième jour du mois de septembre 2014, le président de la république du Burundi, Pierre Nkurunziza a promulgué la loi N°1/26 portant création, organisation, composition, fonctionnement et compétence de la Cour spéciale des terres et autres biens ainsi que la procédure suivie devant elle. Elle va traiter les dossiers clôturés par la CNTB (Commission nationale des terres et autres biens) dont l’une des parties reste lésée. Aussi, les affaires concernant les dossiers de cette sorte qui restent encore pendantes dans les cours et tribunaux se verront déférées devant elle. Avec la création de la Cour, les juridictions ordinaires n’ont plus le droit d’instruire les dossiers en rapport avec les décisions de la CNTB.

Elle exerce sa compétence sur tout le territoire national

Le président de la Cour spéciale des terres et autres biens, Pascal Ngendakuriyo, révèle que la cour exerce sa compétence sur l’ensemble du territoire de la république du Burundi. Elle est la seule juridiction compétente pour connaître, en premier et dernier ressort, les recours contre les décisions de la CNTB. La cour, dit-il, « est saisie de l’interprétation et de la rectification des arrêts que la commission rend ». Ses décisions sont exécutoires et ne peuvent être attaquées que par voie d’opposition et de tierce opposition. En cas d’opposition ou de tierce opposition, le président de la Cour peut surseoir à l’exécution de l’arrêt rendu jusqu’à l’intervention de la décision définitive. Selon M.Ngendakuriyo, au cours de l’instruction juridique, la cour dispose de pouvoirs les plus étendus. Elle peut se faire communiquer, par voie autorisée, tout document détenu par les services publics et privés ou par les particuliers. « Nul ne peut se prévaloir de son droit au secret professionnel ou bancaire pour se soustraire à l’obligation de donner toute information requise et jugée utile pour éclairer la cour. « Le contrevenant est puni conformément à la loi », précise M. Ngendakuriyo.

Des audiences organisées trois fois par semaine

Les audiences publiques sont organisées trois fois par semaine, à savoir lundi, mardi et mercredi à partir de 9h00’, selon Pascal Ngendakuriyo. Sur ce chapitre, la partie qui entend faire état d’une pièce s’oblige à la communiquer préalablement à toute partie à l’instance. La communication des pièces doit être spontanée. Si cette communication n’est pas faite, le juge peut être invité à l’ordonner. Il fixe ainsi le délai et, s’il y a lieu, les modalités de la communication. Au jour fixé pour l’audience, les parties comparaissent en personne ou par mandataire. A l’exception des avocats régulièrement inscrits à un barreau, les autres mandataires doivent justifier d’un pouvoir spécial et doivent être agréés dans chaque cas par le juge. L’avocat porteur de pièces de procédures est présumé représenter valablement la partie qu’il invoque. Les audiences de la Cour spéciale des terres et autres biens sont publiques à moins que cette publicité ne soit dangereuse pour l’ordre public ou les bonnes mœurs. Dans ce cas, la cour ordonne le huis clos sur les bancs.

Des voies de recours sont claires

Selon Pascal Ngendakuriyo, il est extrêmement important que la population sache que la cour ne connaît que les recours uniquement contre les décisions prises par la CNTB. Avant, le recours à la cour, les décisions de la commission restent exécutoires. Pour recourir à la cour, il faut avoir épuisé toutes les voies de recours dans cette commission. En effet, révèle-t-il, la cour a déjà connu des cas de gens qui viennent faire des recours contre les décisions des juridictions ordinaires. Or, en cas de recours régulièrement fait« la cour connaît de nouveau, en fait et en droit, l’objet litigieux ou les faits », précise M. Ngendakuriyo. Ceci suppose que la cour ne soit pas liée aux décisions de la commission, ce qui permet au justiciable de pouvoir produire des moyens nouveaux, qui n’avaient pas été produits devant la CNTB. « Les délais de recours sont normalement de soixante jours pour les décisions prises par la CNTB après la mise en place effective de la cour le 2 octobre 2014. Néanmoins, ils étaient de quatre vingt = dix jours pour les décisions qui avaient été prises par la CNTB avant la création de la cour. Cela est donc à compter à partir de la mise en place effective de la cour », précise M. Ngendakuriyo. Les décisions de la CNTB restent exécutoires jusqu’à ce que les décisions de la Cour interviennent. « S’il y a une exécution qui a été faite par la CNTB, elle reste respectée jusqu’à ce qu’il y est une décision de la Cour. Soit qui réforme en partie ou en totalité, soit qui confirme la décision de la CNTB », ajoute-t-il. La loi prévoit des garde-fous. En effet, bien qu’il puisse y avoir une exécution par la CNTB, la loi interdit que le bien soit aliéné ou greffé de toute charge, vendu ou transformé.

Décentralisation nécessaire mais difficile

La cour sent le coup que vont subir les justiciables des coins éloignés qui veulent la saisir. Ces derniers sont sans doute dans le « que faire, quoi laisser ». La décentralisation est un souhait de la cour pour avoir des bureaux dans les provinces ou les régions, mais les moyens font défaut. Un plan pour pallier cette situation est envisagé : « la cour va organiser des itinérances à travers tout le pays. Les provinces de Bururi, Makamba et Cibitoke seront les premières à être visitées d’ici deux semaines », informe M. Ngendakuriyo. Il reconnaît que l’une des parties peut être indigente à tel point qu’elle ne puisse pas payer le ticket pour les témoins et dans certaines circonstances son ticket lui-même. Dans ces conditions, la cour pourra organiser des descentes sur terrain pour écouter ces témoins. L’expérience a déjà montré que la cour fait face à une situation des justiciables souvent sinistrés qui ont besoin d’appui. Les justiciables affichent également de l’impatience car les affaires prennent souvent un long parcours. M. Ngendakuriyo estime qu’avec cette nouvelle cour, le parcours sera contracté sensiblement. « Notre guide principal c’est la loi », dit M. Ngendakuriyo.
Alfred Nimbona