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Bujumbura, Burundi – L’une des leçons les plus tirées par les observateurs du processus électoral, au lendemain de la clôture officielle des opérations d’enrôlement des candidats électeurs de 2015, est que nombreux étaient les Burundais qui vivaient et se promenaient jusque-là gaillardement sans carte nationale d’identité, pourtant nécessaire dans la vie de tous les jours et accessible aux citoyens dès l’âge de 16 ans.

Ce n’est qu’à l’approche des élections générales de 2015 que les acteurs politiques et l’administration se sont scandalisés de voir que des Burundais vivaient par ‘millions’ sans papiers au rythme où ils envahissaient les mairies, les écoles, les permanences de partis politiques et même la rue pour se procurer le sésame, parfois par tous les moyens.

Certains observateurs intéressés par le processus électoral ont tenté de trouver des excuses d’ordre financier pour accéder à une carte nationale d’identité qui revient facilement à un dollar américain, tous frais compris de photo passeport et de déplacement pour se rendre à la mairie, souvent éloignée des masses rurales.

C’est sans compter avec près de 70% de Burundais qui vivent en dessous du seuil de pauvreté, soit avec moins d’un dollar par jour, se déjugent les mêmes observateurs.

Une telle ruée de dernière minute sur la carte nationale d’identité ne s’était cependant pas posée avec la même gravité lors des précédentes élections de 2005 et de 2010.

Cet engouement inhabituel a ouvert la voie à des spéculations, surtout dans les milieux politiques de l’opposition où certains vont jusqu’à conclure sur des « fraudes électorales » organisées quelque part autour de la carte nationale d’identité.

Les accusateurs se fondent sur le fait que l’état civil a été dessaisi des ses prorogatives réservées, au point que des inscriptions ont été faites dans des écoles, des administrations à la base et même dans la rue, parfois avec des cartes nationales d’identité sans « sceau ni signature » des services habilités.

Le ministre de l’Intérieur, Edouard Nduwimana, a été sensible à cette façon irrégulière de faire à mi-parcours des opérations d’enrôlement, avant d’ordonner que seuls les services municipaux de l’état civil étaient autorisés à délivrer la carte nationale d’identité.

Dans les milieux d’affaires à Bujumbura, on craint plutôt que de fausses cartes nationales d’identité ne viennent servir et renforcer les pratiques prohibées d’usage de faux, comme lors des opérations et transactions bancaires.

Des « irrégularités mineures » ont été reconnues, cette fois, par la Commission électorale nationale indépendante (Ceni) dans la délivrance de la carte nationale d’identité, mais qui ne sont pas de nature à invalider tous les résultats des trois semaines passées d’enrôlement de quelque 3,8 millions de candidats électeurs de 2015 sur des prévisions initiales de l’ordre de 4,2 millions d’électeurs potentiels.

Et puis, il y aura prochainement l’affichage public des listes des candidats électeurs de 2015 pour qui voudra encore se rassurer et dénoncer les cas irréguliers d’inscrits, selon le porte-parole de la Ceni, Prosper Ntahorwamiye, en réponse à une vingtaine de partis politiques de l’opposition qui demandaient l’annulation pure et simple de l’enrôlement et la reprise des inscriptions en bonne et due forme.

La solution la plus préconisée dans les débats publics, toujours au lendemain de l’enrôlement controversé du côté des parties prenantes aux prochaines élections, est de relancer le projet avorté de carte nationale d’identité biométrique non falsifiable.

Mais là aussi, on craint dans l’opinion qu’elle risque d’être inaccessible aux masses, avec un coût annoncé de dix fois plus cher que celui de la vielle carte nationale d’identité ordinaire.