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Le nouveau patron de la CVR, Mgr Jean Louis Nahimana, assure que sa commission travaillera à la satisfaction de tous les Burundais. Son souhait est de ne pas léguer aux générations présentes et futures l’irresponsabilité des aînés.

Vous êtes nommé à la tête d’une commission, douze ans après la date prévue par l’Accord d’Arusha. Quel est votre sentiment ?

Mon sentiment est à la fois de satisfaction et d’humilité. Je ne me prends pas pour le meilleur des Burundais, mais il ne fallait pas rater ce rendez-vous. C’est une opportunité qui nous est offerte pour prendre conscience de notre responsabilité devant l’histoire. Nous comptons beaucoup sur la bonne volonté du peuple burundais parce qu’il y va de notre avenir.
Certains de vos collaborateurs sont accusés d’être impliqués dans des épisodes du passé sombre du pays…
Je suis serein. Si l’un de nous est accusé d’avoir commis des actes immoraux, la loi sur la CVR est claire. Les autres membres doivent se saisir du cas et le transmettre au chef de l’Etat.

Que faut-il attendre de vous ?

Notre rôle, c’est de favoriser un climat serein permettant à la population de libérer la parole. Nous sommes appelés à faire la lumière sur tout ce qui s’est passé. Notre souhait, c’est de ne pas léguer à nos enfants l’irresponsabilité de nos aînés. Réconcilier notre pays avec l’histoire n’est pas une tâche facile. La réussite de notre commission dépendra de la façon dont elle va travailler. Notre pari, c’est de gagner la confiance de tous ceux qui doutent encore.

Même pour les gens qualifiés d’intouchables ?

On n’est pas là pour condamner telle ou telle autre personne. Et les gens qui seront cités ne sont pas à abattre. Le travail doit se faire dans la transparence et à la satisfaction de tout le monde. Si on n’y arrive pas, la commission aura échoué car la vérité est un préalable. Il faut que nous ayons le courage de l’affronter et nous garder de juger pour poser de nouvelles bases d’un avenir meilleur. Il ne faut pas qu’on s’embourbe dans les méandres de l’histoire. En commençant par la vérité, le reste va suivre.

Votre commission est dominée par des religieux qui mettent en avant le pardon. Quid du volet justice?

Qui dit pardon ne dit pas amnistie. L’objectif global du travail de la commission, c’est la réconciliation. Que ce soit le pardon ou la justice, ce sont des moyens qui vont nous conduire vers cette réconciliation. Je soutiens qu’il y ait justice, mais il faut qu’elle s’applique de façon à mettre en évidence le caractère restaurateur de la dignité de la personne humaine. Pas seulement la dignité de ceux à qui on a volé leur dignité, mais aussi celle des gens qui ont été manipulés. Il y a des auteurs ou des bourreaux victimes des systèmes politiques. Il faudra sauver leur dignité.

Pour certains, la CVR a été un deal entre religieux et politiques. Qu’en dites-vous ?

Il n’y a pas eu de tractation. Seulement, nous sommes dans une situation où les politiques affichent une certaine méfiance entre eux. A un certain moment, les mêmes politiques recourent aux confessions religieuses jusque là réputées neutres. Sinon, ce travail devrait être fait par eux-mêmes. Ils ont des responsabilités vis-à-vis du peuple.

Quels peuvent être les défis?

Les moyens matériels, financiers et le contexte politique. En l’absence des moyens et d’une stabilité politique, la commission aura du mal à fonctionner. Cependant, je reste confiant. Si l’Etat et ses partenaires jugent que la CVR est un nouveau départ, ils vont débloquer des fonds.

On vous dit proche du Cndd-Fdd…

Certains me qualifient de proche de l’Uprona. J’ai également des amis au sein des FNL et du Cndd-Fdd pour avoir grandi ensemble. Je ne vois pas un péché d’avoir des amis politiques dans tous les camps.