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Le Burundi n’est pas le seul pays à avoir été touché par des conflits. Pour panser ses plaies, il doit s’inspirer des autres pays ayant vécu des situations identiques.
Une Commission nationale de démobilisation, de réinsertion et de réintégration des anciens combattants a été mise en place. Ils ont reçu de l’argent et d’autres biens matériels pour faire du commerce et d’autres projets. Cependant, ils ne sont pas les seuls à avoir été touchés par la guerre. Des sinistrés de plusieurs catégories existent encore, certains sont même traumatisés.

« La guerre a touché différemment les Burundais. Comme l’homme est fait de corps, d’âme et d’esprit, les sinistrés de la guerre souffrent physiquement et moralement. Ils sont traumatisés avec des blessures profondes », indique Pierre Célestin Ndikumana, psychologue de l’association de THARS (Trauma Healing and Reconciliation services). Il signale que beaucoup de sinistrés de guerre sont oubliés. Il affirme que beaucoup d’entre eux ont sombré dans le pessimisme.

Eric Nduwayezu, de l’association AC-Génocide Cirimoso, signale que dans les camps de déplacés, il existe beaucoup d’handicapés. Néanmoins, déplore-t-il, leur assistance n’est pas visible. Certains ont perdu des bras, des jambes et n’ont même pas reçu de béquilles. Or, déplore M. Ndikumana, la planification des activités de réconciliation ne tient pas compte de toutes ces différentes catégories. Il note que leur oubli ne favorise pas la réconciliation et la réussite de la justice de transition.

Rétablir la dignité humaine, une des solutions

Pour Pierre Célestin Ndikumana, la reconstruction du pays n’est pas seulement matérielle ©IwacuPour Pierre Célestin Ndikumana, la reconstruction du pays n’est pas seulement matérielle ©Iwacu
Pierre Célestin Ndikumana indique que les sinistrés de guerre sont confrontés à beaucoup de problèmes. D’où leur difficulté d’intégrer ces notions de réconciliation et de solidarité. Car, explique-t-il, ils ne sont pas tranquilles. Ainsi, il suggère le rétablissement de leur dignité comme une des solutions. « Il faut qu’ils soient écoutés par des psychologues, des personnes expérimentées dans ce domaine ». Cela leur permettra, estime-t-il, de participer pleinement au processus de reconstruction du pays. Il propose aussi des réparations afin de les réintégrer socialement.

Eric Nduwayezu, quant à lui, trouve qu’il faut une identification de tous ces cas. Après, il propose d’inventorier leurs besoins pour être réconfortés. Il demande au ministère ayant la gestion des rapatriés dans ses attributions de construire des maisons, par exemple. M. Nduwayezu évoque des cas de sinistrés de guerre qui ne sont plus capables de se faire soigner. Face à cette situation, il demande à ce ministère de payer leurs frais de soins de santé et d’autres dépenses y afférentes. Pour les camps de déplacés, il estime que l’Etat devait faire un effort pour que ces déplacés retournent dans leurs collines d’origine. Il part des témoignages de certains d’entre eux qui demandent d’être assistés dans leurs propriétés foncières.

Pierre Célestin Ndikumana indique que la reconstruction du pays n’est pas seulement matérielle : « Il faut penser aux cœurs brisés. Les traumatisés ne peuvent avoir aucune initiative. Ce qui constitue un grand handicap à la réconciliation nationale. » Selon lui, ce programme, élargi à la majorité des sinistrés, doit les sensibiliser à travers des centres spécialisés comme les CDF (Centres de Développement Familial). Un travail qui revient, selon lui, principalement au gouvernement via le ministère de la Solidarité nationale, des droits de la personne humaine et du genre. « Pour guérir les traumatisés, il ne faut pas seulement penser aux solutions corporelles, mais aussi mentales. » Il souligne que cela peut aussi passer par l’organisation de deuil et de levée de deuil.

Et Eric Nduwayezu de déclarer : « Les gens ne peuvent pas se réconcilier alors qu’il y en a qui sont encore traumatisés. Il faut d’abord panser leurs blessures psychologiques avant de parler de leur développement ».

Le gouvernement déjà à l’œuvre

Via le ministère de la Solidarité nationale, des droits de la personne humaine et du genre, le gouvernement travaille sur la réinsertion des sinistrés. Chantal Hatungimana, cadre dudit ministère, indique qu’il existe une stratégie nationale de réintégration des personnes affectées par la guerre. Des plans de rééducation physique existent. En collaboration avec les partenaires internationaux, des actions ont commencé dans les régions les plus touchées par les crises. Chantal Hatungimana évoque Bujumbura, Bubanza et Cibitoke ainsi que les provinces comptant beaucoup de rapatriés : Makamba, Bururi et Rutana.

Dans différents coins, affirme-t-elle, certains sinistrés et des vulnérables ont été assistés pour initier des petits projets générateurs de revenus. Des activités de réfection de route et de marché sont organisées. Ce qui leur permet d’avoir un peu d’argent et d’enclencher le processus de réconciliation entre les déplacés et les rapatriés, les anciens combattants et ceux qui sont restés sur les collines. Après trois mois, assure-t-il, le programme s’achève après avoir formé des associations d’auto-prise en charge.

Chantal Hatungimana ajoute qu’au sein du ministère de la Solidarité nationale, des droits de la personne humaine et du genre, il existe un département s’occupant des vulnérables, des personnes handicapées et des orphelins. C’est ce dernier qui détermine les modalités de prise en charge. Selon elle, des prothèses, des béquilles, des motos… ont été distribués. Et des centres pour handicapés ont été construits dans le pays. Cependant, elle affirme que le chemin à parcourir reste long.