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Au Burundi, ce mardi 21 octobre 2014, on a commémoré le 21ème anniversaire de l’assassinat du Président Feu Melchior Ndadaye, qui est devenu un héros national.
Mais ce qui intrigue beaucoup les Barundi, 21 ans après sa mort, la justice burundaise n’a toujours pas établi les responsabilités concernant son assassinat. Et pourtant, ses assassins sont connus …

Selon Me Fabien Segatwa, un des avocats de la famille Ndadaye, « la première instruction du dossier a été bâclée. Le jugement qui s’en est suivi fut donc logiquement mauvais. Nous avons formé un pourvoi en cassation. Le dossier est toujours en examen à la chambre de cassation de la Cour Suprême ».

Revenons sur la traque judiciaire de ses assassins, on y trouve à la fois des civils et des militaires. Tout d’abord, il faut présenter un livre « Burundi – Histoire d’un Coup d’Etat Sanglant – Dix ans après c’était le jeudi 21 octobre 1993 ». Cet ouvrage écrit et très bien documenté par l’intellectuel burundais, M. Jean-Marie SINDAYIGAYA a été publié en octobre 2003 [1].

Pierre Buyoya, Jérôme Sinduhije, Alphonse Kadege, Libère Bararunyestse, Lieutenant – Colonel Jean Bikomagu, Le Lieutenant – Colonel Pascal Simbanduku, Jean Bosco Daradangwe, François Bizindavyi, Samuel Nduwingoma, Laurent Niyonkuru, François Ngeze ( et ses complices du Bureau Exécutif de l’ Uprona ), Charles Mukasi, Commandant Ntakiyica, Lieutenant Kamana ( et ses complices les lieutenants Ngomirakiza et Ntarataza), Major Busokoza (avec Rumbete et Nzobonimpa ainsi que le Commandant Sinarinzi), Lieutenant-colonel Ningaba, Lieutenant-colonel Nzosaba, Lieutenant-colonel Ndayisaba ( et les Lieutenants- Colonels Daradangwa et Baribwegure ), Lieutenant colonel Niyoyunguruza, Lieutenant-colonel Maregarege, Lieutenant colonel Nengeri, Lieutenant-colonel Pancrace Girukwigomba, Major Gervais Nimubona, Major Bukasa, Major Haziyo, Lieutenant Ntarataza, Lieutenant Ngomirakiza, Lieutenant – Colonel Epitace Bayaganakandi, Le Lieutenant- Colonel Charles Ntakije, le Major Isaïe Nibizi, Frédéric Ndayegamiye et Jean-Marie Nduwabike.

Le livre explique que le projet d’assassinat le Président Feu Ndadaye Melchior venait de – l’axe d’une mafia Vyanda-Bururi-Matana – et été financé par la société AFFIMET ( une multinationale Belgo-Franco-Burundaise ).

•Le vendredi 23 février 1996, le Burundi, sous la Présidence de M. Ntibantunganya Sylvestre, alors que la Commission des Nations Unis enquête (2) sur la mort de Feu Ndadaye, ouvre à Bujumbura le premier procès sur coup d’Etat du jeudi 21 octobre 1993.

Les choses s’accélèrent au niveau politique car dès le mercredi 5 juin 1996, où la Commission d’enquête de l’ONU sur l’assassinat du président Feu Melchior Ndadaye quitta le Burundi pour déposer son rapport – conclusion aux Nations Unies et sa publication, le jeudi 25 juillet 1996, vers 17 h, le Major Pierre Buyoya avait déjà réalisé son Coup d’Etat militaire qui le propulsa à la tête du pays pour la 2ème fois …

Désormais, il faudra attendre septembre 1997 pour que le procès puisse poursuivre.

•Le vendredi 19 septembre 1997, le procès relatif au putsch du jeudi 21 octobre 1993 continua, dirigé désormais de la tête aux pieds par le le Major Pierre BUYOYA -lui-même –. La Cour continua l’audition des prévenus qui s’étaient présentes car il y en a qui étaient en Ouganda et d’autres qui se s’étaient déjà évadés. Parmi les prévenus, il y avait le colonel Jean Bikomagu, ancien chef d’état major de l’armée, le colonel Charles Ntakije, le colonel Nibizi, porte parole de l’armée et le député Francois Ngeze. Il y avait également le lieutenant Ngomirakiza et des caporaux et sergents. Le président de la Cour Suprême avait tenu à indiquer que la séance était exclusivement réservée à l’audition des faits et non à la confrontation ou à l’administration des preuves. Cela n’avait cependant pas été compris par Me Fabien Segatwa, avocat du Frodebu, des ayant- droits de feu Ndadaye, de la veuve Karibwami et de la veuve Bimazubute, qui ne comprenait pas la démarche prise par le ministère public dans l’instruction de ce dossier. La préoccupation de Me Fabien Segatwa demeura de savoir quand le putsch a eu lieu. Pour lui, un putsch avait lieu quand on le déclarait au public et que jusqu’ici, rien n’était fait pour poursuivre ceux qui avaient fait le putsch. Le président de la Cour Suprême précisa qu’il jugeait les dossiers lui soumis avec des infractions précises et individuellement. Le prévenu lieutenant Ngomirakiza se plaignit au ministre de la justice dans une lettre largement diffusée avec objet « j’accuse » ou il remettait en question le procès en cours. Il trouvait anormal qu’il était le seul officier le plus gradé emprisonné avec des charges importantes pour une affaire aussi sérieuse que le putsch où les hauts gradés avaient les charges moins importantes.

• Le lundi 20 octobre 1997, poursuite du procès relatif au putsch du 21 octobre 1993, l’audience à la Cour Suprême était consacrée à l’administration des preuves. La défense des prévenus avait remis en question les procès-verbaux de l’auditorat militaire ainsi que les rapports sur le déroulement des faits dans les camps avant et pendant le putsch établis par les commandants des camps. Elle avait également soulevé la question de la responsabilité dans le putsch. Me Segatwa en avait profité pour demander que celui qui avait lu le communiqué sanctionnant le putsch soit entendu. Me Segatwa intervenait en effet pendant la plaidoirie du lieutenant Ngomirakiza Jean, accusé d’avoir joué un rôle important auprès du lieutenant Kamana, réfugié en Ouganda, dans le renversement du régime constitutionnel. Pour Me Segatwa, avocat de la partie civile, le famille de feu Ndadaye notamment, il n’était pas normal que dans une armée de « Colonels », il n’y avait qu’un officier lieutenant qui soit accusé de tentative de putsch. Cependant, Me Segatwa n’avait pas accepté la proposition de l’avocat du lieutenant Ngomirakiza, Me Déo Ndikumana qui demandait à la cour d’acter que Me Segatwa reconnaissait l’innocence de son client puisqu’il plaçait la responsabilité du putsch au niveau de la hiérarchie supérieure. D’autres prévenus étaient déjà entendus aux environs de 13h 30 notamment le sergent Major Bamporiki, accusé d’avoir mobilisé d’autres militaires pour tirer sur le palais présidentiel. Celui-ci réfuta cette accusation. Il y avait aussi le cas du caporal NDUWUMUKAMA Philibert, surnomme KIWI, accusé d’avoir tué le président Ndadaye au bataillon para. Celui-ci avait un témoin à charge, codétenu, 1ère classe Kamangaza, qui avait eu l’ordre du lieutenant Kamana, de garder Ndadaye dans un bureau du bataillon para le 21 octobre 1993. Kamangaza témoigne que KIWI était parmi les quatre personnes qui sont entrés par force dans le bureau où se trouvait Feu Ndadaye et que quand ils sont sortis, Feu Ndadaye était mort. Me Deo Ndikumana exigea qu’il y ait d’autres témoins à charge tout en se demandant si Ndadaye était encore vivant ou mort au moment où Kamangaza gardait le bureau sur ordre de Kamana. Ni le colonel Bikomagu présent, ni le colonel Nibizi, personne ne reconnaît, devant la cour qui leur demandait de témoigner, avoir vu Feu Ndadaye dans ce bureau du fait qu’ils n’y avaient pas été.

• Le lundi 17 novembre 1997, le lieutenant Kamana révéla à l’opinion que c’est le dictateur Buyoya qui avait été le cerveau du coup d’Etat de 1993 dont il avait été acteur … Avec des détails, le lieutenant Kinama expliqua le complot, orchestré au sein de l’armée burundaise par le Dictateur Major Buyoya, qui avait conduit à la mort de Feu Ndadaye …

• Le lundi 19 janvier 1998, au palais de la Justice de Bujumbura, les juges de la Cour Suprême demandent à auditionner les putschistes de 1993, s’appuyant sur un rapport fourni, par le Ministère Public, produit par le commandant du bataillon para en 1993. C’est cela qui rendit dès le départ cette affaire judiciaire RPS38 caduque.

L’auteur du livre cité in-supra M. Jean-Marie SINDAYIGAYA parle lui d’une insulte au Droit et d’un simulacre de procès manipulé par le Major Buyoya, président de la République à cette période (1998) suite à un putsch militaire. A ce procès, beaucoup de militaires à Majorité des caporaux et des sous-officiers, les Colonels Bikomagu Jean, Ntakije Charles, Isaie Nibizi et M. Ngeze Francois devaient être écoutés. Tous ne l’avaient pas été. Seul les petits couteaux parmi les militaires déjà détenus en prison dont le sergent Nibaruta, les caporaux Niyonkuru Didace, Nahigombeye, … furent entendus. Ces derniers plaidèrent non coupables car ils affirmaient avoir obéi aux ordres de leurs supérieurs, dont le lieutenant Kamana. Pour ces derniers, le coup d’Etat et la mort du Président NDADAYE Melchior avaient été préparé au plus haut niveau du commandement de l’armée. Lors de ce procès, le caporal Ndayizeye fut accusé d’avoir participer directement à l’assassinat de Ndadaye mais il réfuta cette accusation arguant qu’il assurait la garde à l’extérieur du camp. Le sergent Nibaruta reconnut avoir exécuté les ordres du Lieutenant Kamana en allant libérer Lieutenant-colonel Ningaba qui était en prison à Rumonge. Le lieutenant Ngomirakiza lui plaida non coupable prenant pour argument qu’il avait été contraint par des militaires insurgés à monter dans un véhicule alors qu’il était avec d’autres officiers au quartier Kigwati. Interrogé à propos des réunions qui se seraient tenues à l’Etat-Major et les responsables qui les présidaient, M. Ngeze François ( Patron de l’UPRONA et Président du Comité de Salut Public qui a revendiqué le Coup d’Etat en 1993 ) affirma qu’il ne connaissait personne. Il aurait été contraint de s’y rendre et il y aurait vu des gens de l’Etat Major mais qu’il ne savait pas pourquoi ils étaient là. Interrogé à ce sujet, le colonel Bikomagu ( chef d’Etat-Major de l’Armée en 1993 et bras droit du Major Pierre Buyoya) affirma qu’il n’y avait pas eu de réunions à l’Etat Major mais qu’il voyait des gens aller et venir. Le colonel Ntakije (Ministre de la Défense en 1993) ne plaida pas, le témoin n’étant pas venu. Une autre audience fut fixé le vendredi 20 mars 1998.

• Le vendredi 20 mars 1998, – à l’audience, M. Ngeze François se sentant seul accusé dans l’affaire du Coup d’Etat de 1993, pour avoir « Porté atteinte à la sûreté intérieure de l’Etat, en agréant, dans le but de changer la régime constitutionnel, l’offre qui lui avait été faite de devenir Président de la République », décida de demander la comparution de ses proches collaborateurs, parmi lesquels des membres du Comité Exécutif de l’UPRONA et des membres de l’Etat-Major militaire. C’est à dire Alphonse KADEGE, Libère BARARUNYERETSE, Jean-Baptiste MANWANGARI, MUKASI Charles, et 13 hauts officiers du COMITE DE SALUT PUBLIC. M. Ngeze demanda aussi les témoignages de Mgr Bernard BUDUDIRA, Evêque de BURURI ; Mgr Rino PASIGATO, et de l’ancien Premier Ministre Sylvie KINIGI. Selon M. NGEZE, Mme Sylvie KINIGI l’aurait aidé à rédiger le Discours qu’il aurait prononcé en sa qualité de Président du COMITE DU SALUT PUBLIC. Déterminé à ne pas être condamné seul, M. NGEZE reçut l’appui du rapport de sécurité du 18 octobre du Lieutenant – Colonel LAMBERT SIBOMANA qui venait d’être versé au dossier sous la note N°9 (encore un élément qui corromp le procès ). Ce dernier précisait que M. NGEZE allait être Président mais que le Putsch serait conduit par le Bureau Exécutif de l’UPRONA avec citation des noms. Etaients présents : MM. KUBWAYO, BOYI, NDAYIRAGIJE, KABURA, HAKIZIMANA, HATUNGIMANA, CIZA, MASABO, et NYABIROMBO. Suite à cette demande, une autre audience fut fixé le vendredi 10 avril 1998. Entre le vendredi 20 mars 1998 et le vendredi 10 avril 1998, M. NGEZE subit 2 attentats. A Kampala en Ouganda, 2 Burundais meurent et le Lieutenant KAMANA échappent à 1 attentat. M. KAMANA dans The East African accuse le régime putschiste BUYOYA[2] « Un gouvernement de tueurs ». KAMANA demande au « de dire la vérité sur le déroulement de l’assassinat du Président Melchior NDADAYE ». Par la suite, le Lieutenant – Colonel LAMBERT SIBOMANA meurt dans un accident de roulage.

• Le vendredi 10 avril 1998, – à l’audience, surprise générale pour la Cour, la salle était pleine. Un fait rare ! Cela était certainement dû au fait que l’accusateur principal le Lieutenant – Colonel LAMBERT SIBOMANA n’était plus. Étaient présents : Alphonse KADEGE, Libère BARARUNYERETSE, Jean-Baptiste MANWANGARI, MUKASI Charles, Raphaël HORUMPENDE, le Col. Charles NTAKIJE [ancien ministre de la Défense], le Col. BIKOMAGU [ancien chef d’Etat Major], et les autres colonels NDAYISABA, DARADANGWA, NIYOYUNGURUZA, SINARINZI, NIBIZI, BUGEGENE. Ainsi quand la Cour demanda aux complices civils du COMITE EXECUTIF DE L’UPRONA comment le jour de l’assassinat du Président NDADAYE ils avaient fait pour arriver à l’Etat –Major militaire … Ils répondirent tous la même chose … La Cour n’insistera pas … Quant aux témoignages de Mgr Bernard BUDUDIRA, ce dernier déclina pour cause de Vendredi Saint. L’ancien Premier Ministre Sylvie KINIGI, devenu fonctionnaire internationale, n’avait pas pu intervenir. Le Col. Charles NTAKIJE fera porté la patate chaude au subalterne –le Capitaine MUSHWABURE- qui avait conduit Feu NDADAYE au Camp MUHA. Le Col . BUGEGENE révéla que NGEZE avait demandé aux officiers de se mettre ensemble pour calmer la situation. Le Col. Mamert SINARINZI expliqua que le Communiqué qui avait été lu lors du Putsch lui avait été remis par le Col. DARADANGWA. La Cour ne demanda pas à ce dernier qui lui avait rédigé ce document… Le Président de la Cour M. Salvator SEROMBA ( qui avait commencé sa carrière de juriste en 1972 -année du Génocide au Burundi- par un décret présidentiel du Dictateur sanguinaire Michel Micombero ) suspendit la séance, et annonçait la reprise pour le vendredi 24 avril 1998.

• Le vendredi 24 avril 1998, – La séance n’eut pas lieu. Pour cause, tous les témoins s’étaient rendus saluer le Major putschiste Pierre BUYOYA qui se rendait à l’aéroport pour KIGALI. Puis, en décembre 1998, le Président de la Cour M. Salvator SEROMBA décéda ce qui permit encore plus que jamais d’oublier …

NDUWUMUKAMA Philibert, alias KIWI (Un Muhima burundais), arrêté à l’Est de la République Démocratique du Congo (RDC) en 2012, au moment où il cherchait à rejoindre le M23. NDUWUMUKAMA Philibert est l’assassin de Feu Président Melchior NDADAYE en 1993 et est connu comme un proche du Dictateur Pierre BUYOYA et de l’ancien chef d’état Major sous la dictature Jean BIKOMAGU (reconnu par un rapport de l’ONU comme un des principaux acteurs de l’assassinat du Président feu NDADAYE). Cet meurtre a plongé le Burundi dans une guerre civile qui a duré une décennie.

Voilà, grosso-modo, où en est le procès NDADAYE aujourd’hui en 2014. Depuis avril 1998 on y est plus réellement revenu… En septembre 2012, NDUWUMUKAMA Philibert, alias KIWI, qui était l’homme qui avait étranglé le Président Feu Melchior NDADAYE, dans la nuit fatidique du 21 octobre 1993, était arrêté à l’Est de la République Démocratique du Congo (RDC) au moment où il cherchait à rejoindre la force négative M23. Pour le confort du procès en cours entre 1996 et 1998, le caporal NDUWUMUKAMA Philibert et 12 autres petits mains parmi les militaires, qui avaient assassiné physiquement (de leurs mains) le président NDADAYE, avaient été arrêtés et incarcérés jusqu’en 2006. C’est dans le cadre de la mesure prise de libérer les prisonniers politiques que ce dernier était sorti de prison grâce à l’UPRONA.
DAM, NY, AGNEWS, le jeudi 23 octobre 2014
[1] « Burundi : Histoire d’un coup d’Etat sanglant -Dix ans après c’était le 21 Octobre 1993″- Honorable JEAN MARIE SINDAYIGAYA [ http://burundi-agnews.org/2.57/index.php/societe/histoire/guerre-civile/1260-burundi-histoire-dun-coup-detat-sanglant-dix-ans-apres-cetait-le-21-octobre-1993 ]
[2] Burundi: L’assassin de Feu Ndadaye accuse Buyoya [http://burundi-agnews.org/sports-and-games/?p=2920 ]
[3] Burundi : Ndadaye est mort … [ http://burundi-agnews.org/societe/?p=1015 ]
[4] Burundi: Ndadaye Melchior, 19 ans déjà [ http://burundi-agnews.org/sports-and-games/?p=2874 ]