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A la veille de la commémoration du 21ème anniversaire de l’assassinat du président Melchior Ndadaye, ses héritiers n’arrivent toujours pas à s’entendre. La pomme de discorde : le choix de celui qui sera le fer de lance du vaste rassemblement.

Il y a quatre ans, Léonce Ngendakumana et Dr. Jean Minani rêvaient de déposer la même gerbe de fleurs sur la tombe du président Melchior Ndadaye, rechanter le même hymne du parti, porter les mêmes insignes.

Pourtant, le 3 octobre, tout presque tombe à l’eau. Le lancement du processus de réconciliation, réunification et édification d’un vaste rassemblement pour le changement de 2015 n’a pas eu lieu.
Motif : Léonce Ngendakumana s’est désisté à la dernière minute alors que Dr. Jean Minani, accompagné de Domitien Ndayizeye, récemment exclu du Sahwanya Frodebu, a répondu au rendez-vous.

Les invités dont les représentants des corps diplomatiques et consulaires, ceux des organisations de la société civile, les leaders politiques, etc. sont las d’attendre. Toutefois, vu l’importance de l’évènement, ils restent pour marquer leur soutien.
Sur les invitations, il est marqué 10h, le début des festivités. Toutefois, M. Ngendakumana dépêchera, deux heures plus tard, Frédéric Bamvuginyumvira, son vice-président, pour expliquer les raisons de son absence : « Des questions restent en suspens. Le travail se poursuit, nous informerons le public le moment venu. »
Déception totale chez Dr. Jean Minani qui estime que tout était fini la veille. Il prend pour témoin Sylvestre Ntibantunganya, ancien président de la République, Anatole Kanyenkiko, ancien premier ministre, l’ambassadeur Pierre Barusasiyeko et Issa Ngendakumana, ancien ministre de la Bonne gouvernance. Ces derniers faisaient partie de la commission mise en place à cet effet.

La méfiance persiste entre les héritiers du héros de la démocratie
Léonce Ngendakumana a passé les quatre dernières années à dénoncer les « dérives » du pouvoir Cndd-Fdd à travers la coalition ADC-Ikibiri dont il est le président depuis 2010. Dr. Jean Minani estime, quant à lui, que l’ADC est une coalition sans idéologie qui mérite d’être réorganisée pour être renforcée. Selon des observateurs avisés, cette coalition a tout de même une légitimité populaire. Dès lors, pour Léonce Ngendakumana, accepter une réunification sans l’ADC-Ikibiri serait une erreur politique que ses compagnons ne lui pardonneraient pas.

Le président du Sahwanya-Frodebu aurait dû signer avec des réserves, selon une certaine opinion. C’est sans compter sur son expérience des négociations, les réserves n’existant que pour venir à bout des réticences d’un des protagonistes de signer un accord.

Le coup de la dernière heure

Durant deux semaines de travail, confie Dr. Minani, les pourparlers allaient bon train. Les deux parties, poursuit-il, s’étaient convenues entre autres d’un cessez-le-feu médiatique. Désormais, la diabolisation et le dénigrement sont interdits sur les ondes. Le processus de réunification se poursuit entre les deux partis.

La question de constituer un vaste rassemblement a été également discutée. Pour Dr. Minani, l’ADC n’est pas la fin des coalitions. Il estime que c’est une coalition créée pour contester les élections : « Elle n’a ni idéologie, ni base légale. » Cependant, Dr. Jean Minani promet au camp de Léonce Ngendakumana de continuer les discussions pour la consolider et d’ouvrir les portes à d’autres formations politiques.

Vendredi, 3 octobre à 9h. Il reste exactement 40 mn pour que les signataires arrivent à Ego Hôtel. « On s’était convenu d’être là 20 min avant », indique Dr. Minani. Alors qu’il s’apprête pour partir, il reçoit un appel du président Ntibantunganya : « M. Ngendakumana veut me parler. Il me propose de nous rencontrer au bureau de l’Initiatives et Changement. »

Il apprendra de M. Ngendakumana qu’il subsiste un problème au niveau de la formulation de la clause en rapport avec la création d’un vaste rassemblement pour le changement en 2015.
Pour Jean Minani, il n’est pas question de changer d’avis à la dernière minute. Et il se rend à Ego Hôtel. Il attendra en vain, M. Ngendakumana n’étant pas venu signer.
Selon une opinion, Léonce Ngendakumana aurait subi la pression de son parti et de l’ADC. Interrogé, Chauvineau Mugwengezo, porte-parole de l’ADC-Ikibiri, ne tergiverse pas : « Nous sommes pour une réunification qui n’affecte pas l’ADC. »

« Je ne pouvais pas prendre ce risque»

Le président de l’ADC se défend : « La nuit porte conseil. J’ai failli hypothéquer une coalition autour de laquelle j’ai combattu politiquement pendant quatre ans.» Selon lui, le vaste rassemblement autour du Dr Jean Minani n’aurait pas de sens.
Pour M. Ngendakumana, si Dr. Jean Minani a eu quatre sièges à l’Assemblée nationale en 2010, c’est parce que les partis FNL, MSD, UPD, etc. se sont retirés des élections. M. Ngendakumana propose un simple calcul. S’il s’en tient aux résultats de 2010, même s’ils ne sont pas fiables, souligne-t-il, l’ADC enregistre un score de plus de 30% aux communales (15% des FNL, 6% du Frodebu, 4% du MSD, 3% de l’UPD, etc.) : « Nos deux Frodebu réunifiés ne peuvent pas enregistrer ce score ! »