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Buyenzi, la commune de Bujumbura où tout est possible

Buyenzi, c’est une cité imbattable partout : mécanique, électronique, business, sport, musique, politique… Son secret ? Plus qu’une commune urbaine, c’est une communauté. Ses habitants y partagent presque tout.

Elle est située en plein cœur de Bujumbura, la capitale du Burundi : la commune de Buyenzi. Des voitures à perte de vue tapissent ses artères. Mercedes dernier cri, camions vétustes, bus hors d’usage, tout y est pour donner le tournis aux mécaniciens aguerris, un métier qui se transmet de génération en génération dans cette cité.

Des maisonnettes vieilles comme le monde jouxtent les mosquées flambant neuves construites en matériaux durs. Au-dessus de ces maisons flottent des antennes paraboliques made in Buyenzi, de fabrication artisanale. La commune est réputée pour ses bricoleurs hors pair.

« On y apprend tout, le bien comme le mal »

Dimanche, 13 heures. Une journée de repos pour la plupart des Burundais. À Buyenzi, c’est le monde à l’envers : les postes à souder bourdonnent. Les shops, majoritairement vendant des pièces de rechange de véhicules, sont ouverts. Abdul Karim, 17 ans, dans le magasin de son grand frère, témoigne : « À Buyenzi il y a tout. On y apprend tout, le bien comme le mal. » Le mal ? « Oui ! », réaffirme le jeune homme : « c’est l’endroit où l’on trouve le plus grand nombre de drogués et de prostituées. »

Côté business, en plus de sa réputation d’être la terre des businessmen les plus huppés de Bujumbura, Buyenzi reste le dernier recours pour le pays. « Ce que je ne trouve pas ici, ce n’est pas la peine d’aller le chercher ailleurs », lance Avit, venu acheter un accessoire pour la vitre de son véhicule.

La cité des stars

Quel mélomane burundais ignore Big Fizzo ? Qui peut prétendre être fan du rap burundais en se passant de Perhaps, feu Soso K, Lolilo, Generator Bidondo ? Toutes ces légendes musicales sont des « watoto wa Buyenzi » ; les enfants de Buyenzi, en swahili, la langue la plus utilisée dans cette localité.

Big Fizzo, un enfant de Buyenzi

Quid du football ? Plus qu’un jeu, une culture. À Buyenzi, le football est avant tout une affaire de famille. Il se transmet de père en fils. Yamini Seremani, enfant de Buyenzi, qui vient de faire rêver les fans du ballon rond en Afrique du Sud lors du CHAN 2014, est le fils d’Amini, une autre légende du football burundais des années 80. Les vieux n’oublieront jamais les premiers dribbles d’enfance dans les rues de Buyenzi de Valery Nahayo et Saïdo Ntibazonkiza qui évoluent respectivement en Belgique et en Pologne.

Incontournable pour gagner les élections

Serait-ce une coïncidence ? Dans l’histoire, tous les leaders des partis politiques qui ont remporté les élections avaient des relations particulières avec cette terre de tous les possibles. Commençons par l’Uprona qui a gagné le premier scrutin de 1961, avec à sa tête le prince Louis Rwagasore qui s’est battu, jusqu’à y laisser sa vie, pour l’indépendance. Selon des sources proches de ce parti, sa première permanence dans tout le pays a été érigée à la 14e avenue, au numéro six.

Qu’en est-il de Melchior Ndadaye qui sera porté à la tête du pays en 1993 après la victoire de son parti Sahwanya Frodebu ? Les vieux de Buyenzi se souviennent encore de la voiture Peugeot de ce héros de la démocratie, garée à la 4e avenue numéro 31 à chaque fois qu’elle était en panne.

Et tout récemment, le Cndd-Fdd qui est aux affaires aujourd’hui. De retour du maquis, ses premiers pas seront fortement marqués par un grand attachement à la population de Buyenzi. Cette dernière étant faite majoritairement de commerçants, elle aurait été d’ailleurs parmi les grands bailleurs du Cndd-Fdd pendant la campagne électorale de 2005. Une sympathie qui s’expliquerait, selon plusieurs observateurs, par l’appartenance religieuse de son leader de l’époque, Hussein Radjabu, qui est musulman. L’islam étant la religion la plus pratiquée à Buyenzi.

Deux mosquées sur une même avenue

Au-delà d’une simple commune urbaine, Buyenzi est donc avant tout une communauté. Ses habitants partagent presque tout. Dans un pays où la population n’use presque qu’une langue, le kirundi, à Buyenzi, on parle swahili. Et prononcer une phrase en kirundi dans les rues suffit pour se faire traiter comme un étranger.

En outre, Buyenzi reste le seul endroit où l’on peut trouver deux mosquées sur une même avenue. La quasi-totalité de sa population est musulmane avec toutes les valeurs religieuses qui vont de pair.

Bref, cette population, avant d’être de nationalité burundaise, se considère d’abord comme un peuple à part avec son identité propre, elle est tout simplement : de Buyenzi.

24 Mars 2014, http://www.rnw.nl/africa