Démocratie décapitée, Buyoya l’assassin court toujours
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Ce 21 octobre 2018 nous Commemorons le 25ème anniversaire de l’assassinat du Premier Président du Burundi démocratiquement élu, Son Excellence Melchior Ndadaye, un assassinat qui, à l’image de celui de notre héros de l’indépendance tué en 1961, a marqué de manière indélébile l’histoire de notre pays. Il y aura désormais un avant et un après Ndadaye. Seules les personnes non avisées diront que ce crime est l’œuvre d’aventuriers hommes de troupes. Le haut commandement de l’armée était impliquée, et, bien entendu, n’hésitons plus de le dire, le commanditaire était bel et bien Pierre Buyoya, un criminel qui court toujours. Le Peuple Burundais aspire à la paix, certes, mais cette paix ne sera jamais concrète aussi longtemps que des criminels seront, resteront impunis.

En 1993, le Burundi venait d’entrer avec douleur dans l’ère de la démocratie multipartite, un enfantement douloureux dont les conséquences se feront sentir pendant plus de dix ans car une guerre civile jalonnée de tueries politiquement et ethniquement motivées ravagea le pays jusqu’à la signature d’un Accord Global de cessez le feu entre le CNDD-FDD à l’époque mouvement rebelle et le Gouvernement Burundais de transition de l’époque, le 16 novembre 2003 à Dar-es-Salaam en Tanzanie. C’est cet accord qui mettra un terme aux hostilités sur toute l’étendue du territoire, même si un autre petit mouvement, le Palipehutu – FNL dirigé par Agathon Rwasa, essaya de déstabiliser le pays mais fini par échouer et à se ranger dans le camp de la paix en 2008.

Cet accord global de cessez-le-feu de 2003 enclenchera une ère nouvelle, vers le retour à la démocratie décapitée en 1993. Très rapidement, un processus démocratique fut mis en route, une Constitution fut adoptée au Référendum en 2005 et des élections générales organisées la même année. Le CNDD-FDD remporta haut la main ces élections et s’attela à la lourde tâche de mettre en œuvre les accords d’Arusha, non sans sabotages et moult tentatives de déstabilisation et de renversement des institutions démocratiquement élues, par les mêmes forces occultes qui ont endeuillé le Burundi en 1993.

En 2010, après cinq ans de post transition, la démocratie perdue en 1993 d’élection UN homme UNE voix fut rétablie et le Président Pierre Nkurunziza fut élu exactement comme le Président Melchior Ndadaye l’avait été. Inutile de rappeler les douleurs qu’a endurées le Peuple burundais en 2010 et surtout en 2015, face aux irréductibles ennemis de la démocratie qui voulait ramener le Burundi dans ses sombres années d’après assassinat de Melchior Ndadaye et ses collaborateurs. N’eût été la maturité du Peuple, aucun doute que le Burundi aurait encore une fois sombré.

Quoi qu’il en soit, l’ignoble assassinat du Président Ndadaye et ses collaborateurs demeure une énigme car tellement de zones d’ombres persistent sur les commanditaires et auteurs. Pourtant la plupart des observateurs avisés, du moins ceux qui ont une approche honnête et objective du sujet savent que ces zones d’ombres ne sont pas si épaisses qu’elles peuvent paraître. Beaucoup de témoignages recoupés et des sources variées aboutissent à une même conclusion. L’homme qui a orchestré tout le processus de l’assassinat du Président Melchior Ndadaye n’est autre que celui à qui il avait succédé 100 jours avant à la tête du pays à savoir le Major Pierre Buyoya.

Un peu d’histoire pour comprendre la genèse du mal. Arrivée au pouvoir par un coup d’Etat contre son cousin en 1987, le Major Buyoya ne manifestera aucune volonté de réforme, il fera du copier-coller par rapport au système politique en vigueur à savoir un pouvoir aux mains d’une clique mono-ethnique et régionaliste. Le Major Buyoya n’a jamais été un réformiste, plutôt un opportuniste qui en fonction des péripéties politiques auxquelles il va faire face cherchera à jongler pour se maintenir au pouvoir. Les évènements de Ntega et Marangara en 1988 vont enclencher une série de tripatouillages politiques que le Major appellera reformes mais qui au fond ne changeront rien sur la structure du pouvoir en place. En 1988, un an après son arrivée au pouvoir et après un massacre systématique de populations civiles par son armée Buyoya nomme un gouvernement multiethnique sans véritablement changer quoi que ce soit sur la nature du pouvoir. De la poudre aux yeux diront les observateurs avisés à qui l’histoire donnera raison car quelques années plus tard, en 1991, Bujumbura et quelques localités feront objet d’attaques de la part des groupes armés sur fond de revendications d’ouverture politique. Comme toujours le Major Buyoya fera semblant de répondre, car cette fois-là la pression était à la fois interne et externe, Le Sommet de La Baule est passé par là. Un processus démocratique fut enclenché et mal lui en prit car à la surprise générale il perdit les élections de juin 1993.

La fatidique nuit du 20 au 21 octobre un groupe de militaires essentiellement composé de l’ancienne garde rapprochée du major Buyoya se mutina et tenta de renverser le Président Melchior Ndadaye. Trahis par ceux qui étaient supposés veiller à sa sécurité ce dernier fut sauvagement assassiné dans un camp militaire. Plusieurs témoignages attestent de l’orchestration des évènements par le Major Buyoya qui était demeuré dans la résidence présidentielle pour des raisons qui s’avèreront futiles mais stratégiques comme le future va nous le prouver. Il s’agissait de tout faire pour que les putschistes aient le maximum de chance d’arriver à leur fin à savoir assassiner le Président Ndadaye et décapité le FRODEBU, parti fondé par ce dernier, car là étaient leurs principaux objectifs. A Kiriri il avait des chances de s’échapper, mais au centre-ville, dans cette villa isolée il était une cible facile pour ses assassins. La chasse à l’homme qui s’en suivit dénote l’exécution d’un plan minutieusement préparé car ce soir-là le FRODEBU sera privé de toute sa classe dirigeante et ne se relèvera jamais de cette décapitation. En effet en même temps que le Président Ndadaye, seront exécutés le Président de l’Assemblée National et son adjoint, le Ministre de l’intérieur, le patron des renseignements, des Gouverneurs de provinces, etc. Les militaires sur terrain ce soir sont unanimes sur une seule chose, tout était orchestré par le Major Buyoya, c’est lui qui donna le feu vert aux sbires qui composaient sa garde rapprochée pour torturer et exécuter le Président Ndadaye et ses collaborateurs.

De retour au pouvoir par ce qu’on appelait un coup d’Etat rampant car il commençait la nuit du 20 au 21 octobre 1993 et s’achevait le 25 juillet 1996, presque trois ans au cours desquels il n’a pas cessé de tirer les ficelles pour que la situation ne se rétablisse. Durant cette période les rues de la capitale sont devenues de véritables coupe-gorge pour quiconque sera identifié comme étant ou ayant été un soutient du FRODEBU. C’est donc un pouvoir quasiment jeté dans la rue qu’il ramassa avec la complicité de ceux qui avec lui avaient assassiné la démocratie la nuit du 20 au 21 octobre 1993. Nous savons tous la suite des évènements ainsi que le véritable commanditaire : Le Major Buyoya.

Par Geroges NAHIMANA