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A part quelques slogans répétés aux jeunes militants en guise d’éducation politique, rares sont les partis politiques proposant une telle formation. Un programme d’éducation patriotique initié par le gouvernement compte notamment relever ce défi. Trois invités nous donnent leurs impressions.
Aujourd’hui, fait savoir Pascal Kumbuga, conseiller à la présidence en même temps membre du Programme national de formation et d’éducation patriotique initié par le gouvernement, l’éducation politique passe, si cela se fait, par les partis politiques. «Mais malheureusement, il y a des politiciens qui donnent de mauvais enseignements à telle enseigne que des militants d’un parti politique donné considèrent leurs rivaux comme des ennemis», s’indigne-t-il. «Il faut plutôt exposer des projets de société.»
Il y a dans cette formation patriotique tout un programme destiné même aux politiciens. «C’est pour leur apprendre à travailler pour l’intérêt national, au lieu de chercher à créer des mésententes entre les membres des différents partis politiques.»

Par les temps qui courent, fait remarquer Justine Nkurunziza, présidente de la Cosome (Coalition de la société civile pour le monitoring des élections), ce programme n’a pas encore produit de résultats, loin de là. Très critique par rapport à la conduite de ce projet, elle réclame à cor et à cri que cette formation patriotique soit étendue à toutes les couches de la population et que la société civile soit associée dans cette voie civique. «On dirait que c’est quelque chose de secret. Même ce manuel de formation patriotique avec sur la page de couverture la photo du président n’est pas très vulgarisé. Il ne faut pas qu’un groupe restreint s’approprie ce programme.»

Elle signale que la Cosome et plusieurs organisations de la société civile, dispensent une éducation civique et électorale basée sur les principes de la démocratie. «Il faut inculquer à la jeunesse toutes ces valeurs et un comportement citoyen face aux militants ne partageant pas les mêmes idées politiques.»

«La jeunesse burundaise n’a jamais, à proprement parler, bénéficié d’une formation politique ou patriotique. Elle n’a connu et ne vit que l’instrumentalisation, l’embrigadement», déplore Jean-Régis Nduwimana, jeune intellectuel.

Selon lui, nos hommes politiques devraient concevoir des programmes de développement en tenant compte des désidérata de la population et des jeunes. «Que d’aspirations déçues, de promesses non tenues», se désole-t-il.

Dans l’histoire tourmentée de ce pays, rappelle-t-il, les jeunes militants de tous bords ont pris part aux violences. C’est déplorable qu’il se remarque une tendance à la réédition de l’histoire. «C’est également regrettable que notre Constitution mentionne toujours les quotas éthniques. Il faut que nos enfants grandissent en se sentant fiers d’être Burundais avant de se sentir Hutu ou Tutsi.»
Pour Pascal Kumbuga, ces quotas sont une des conséquences des différentes crises que le Burundi a connues. «Et cela continue malheureusement de cultiver le sentiment ethnique», regrette-t-il

Jean-Régis Nduwimana : « C’est déplorable qu’il se remarque une tendance à la réédition de l’histoire » ©IwacuJean-Régis Nduwimana : « C’est déplorable qu’il se remarque une tendance à la réédition de l’histoire » ©Iwacu
D’après Jean-Régis Nduwimana, il y a toute une génération qui en a marre de ces histoires d’ethnies, de divisions de toute nature. «Elles ne sont exploitées que par des politiciens pour servir leurs intérêts.»

L’histoire des « Sans échec » devrait servir de leçon

Bien que ce programme de formation patriotique n’ait qu’une année, souligne Pascal Kumbuga, il s’est déjà doté de comités dans toutes les communes, les membres sont issus des différents groupes sociaux.
Selon lui, la société civile n’est pas écartée car le décret présidentiel régissant ce programme précise que le Comité national peut faire recours à toute personne ayant les capacités d’aider dans l’atteinte des objectifs assignés à cette formation patriotique. «Personne n’est mis à l’écart dans ce programme, même l’opposition y a sa place», tente-t-il de rassurer.

Justine Nkurunziza salue ces annonces mais reste perplexe. Des questions sur les noms des membres de ces Comités issus des partis politiques de l’opposition ou de la société civile n’ont pas eu de réponses claires de la part de Pascal Kumbuga.
Jean-Régis Nduwimana déplore l’hostilité entre les jeunes militants des différents partis politiques. «Ce qui est à plaindre et à craindre, c’est que rien n’est fait pour ces jeunes militants en matière de formation politique. La plupart d’entre eux connaissent peu de choses ou rien du tout du programme de leurs partis», dénonce-t-il.

Christine Nkurunziza : « Il faut des métiers pour les jeunes, des projets de développement, des universités pour être plus concurrentiels dans l’East African Community » ©IwacuChristine Nkurunziza : « Il faut des métiers pour les jeunes, des projets de développement, des universités pour être plus concurrentiels dans l’East African Community » ©Iwacu
Et Mme Nkurunziza de rappeler la violence perpétrée par les jeunes militants lors de la crise de 1993. Par exemple, souligne-t-elle, les « Sans échec » ont été exploités par les hommes politiques, ils étaient leurs hommes de main. «Ils ont mal fini.»
Comme hier, fait remarquer la présidente de la Cosome, on ne leur demande que de faire des rondes nocturnes. «Il leur faut des métiers, des projets de développement, des universités pour être plus concurrentiels dans l’East African Community.»

Selon Pascal Kumbuga, ce programme de formation patriotique comporte un chapitre sur l’entrepreunariat pour l’auto-prise en charge afin de réduire le chômage chez les jeunes lauréats des différentes universités.
D’après Mme Justine Nkurunziza, il faut que les jeunes soient formés, défendent leurs intérêts et sachent leur rôle au sein des partis politiques, pour qu’ils ne soient plus exploités, manipulés.
«Et comme l’a bien dit Jean-Marie Ngendahayo, chroniqueur dans le Journal Iwacu, les jeunes n’ont pas encore dit leur dernier mot», avertit Jean Régis Nduwimana.
L’alibi qu’ils sont encore jeunes pour être chargés des postes de responsabilité ne tient plus : «Le héros national, Rwagasore de même que le premier président Micombero, n’avaient pas 30 ans quand ils ont changé le cours de l’histoire de ce pays», conclut la présidente du Cosome.