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Délestage, incendies accidentelles, manque d’eau… sont devenus le quotidien des Burundais. La population pointe du doigt la Regideso. Rencontre avec Libérat Mfumukeko, Directeur Général de la Regideso.

Le délestage est devenu la norme dans le pays. Que fait la Regideso pour résoudre ce problème ?

Tout d’abord, les infrastructures hydroélectriques sont vétustes. Le dernier barrage construit dans le pays est celui de Nyemanga qui date de 1988. A l’époque, elles suffisaient largement pour servir tous nos clients. Aujourd’hui, ce nombre de clients est au moins quatre à cinq fois plus important et la demande continue d’augmenter d’au moins 10% par an. Nous sommes dans une situation où les infrastructures en place ne répondent plus aux besoins.

Que faites-vous alors pour faire face ?

Il faut savoir que les barrages sont des projets s’étendant sur une période de quatre à cinq ans. Plusieurs projets sont en cours. Le barrage sur la rivière de Kaburantwa, en province de Cibitoke : les travaux viennent de commencer avec un financement de 80 millions USD. Il donnera environ 20 MW. Des travaux au niveau du barrage Mpanda, dans la province de Bubanza, sont également en cours avec une production de 10 MW. On citera aussi le plus grand projet sur les rivières Jiji-Murembwe dans la province de Bururi avec une production de 48 MW et un coût de 271 millions USD. Les accords de financement avec les bailleurs sont déjà signés et les travaux préparatoires ont déjà commencé.
Ces projets arrivent à point nommé car la situation est intenable. Nous avons un déficit permanent aussi bien pendant la saison pluvieuse que celle sèche. Ils permettront, dans environ quatre ou cinq ans, de pouvoir équilibrer l’offre et la demande d’énergie dans le pays.

Quels sont les pics de consommation de l’électricité ?

En pleine journée, nous avons une capacité d’environ 21 MW pendant cette saison sèche. En temps normal, à Bujumbura, la demande est presque de 40 MW. Pour tout le pays, nous avons donc seulement 21 MW. Entre 16h et 22h, nous faisons un effort en mettant en marche les groupes électrogènes : des centrales thermiques, une de 5.5MW et une autre de 5MW, les deux appartenant à la Regideso, ainsi qu’une autre de location de 10MW fonctionnant depuis avril 2013.
Quand nous les mettons en marche, nous arrivons à baisser sensiblement le déficit énergétique durant les heures de pointe mais ce déficit est quand même de 10MW. Ce sont donc des solutions temporaires qui n’éliminent pas le problème de fond.

Quid des coûts ?

En 2013, la Regideso a dépensé plus de 8 milliards de Fbu et le gouvernement plus de 10 milliards de Fbu pour augmenter la capacité de production d’énergie de 15 MW et pour assurer l’approvisionnement en carburant des centrales thermiques. La facture totale des centrales thermiques pour qu’on puisse acquérir environ 15 MW à 17.5 MW en 2014 est d’environ 25 milliards de Fbu. Malgré cet effort financier très important fourni, le déficit est réduit mais persiste.

Faire tourner des centrales thermiques doit coûter cher !

Nous les faisons fonctionner seulement pendant les heures de pointe, entre 16 h et 22 h. Nous venons de conclure un contrat de 8 MW qui seront fournis à la REGIDESO entre 8 h du matin et 16 h. Car, pendant cette période, nous avons un déficit d’à peu près 19 MW. Nous avons alors acheté 8 MW pour réduire le déficit de 19 MW à 11 MW. Cela coûte presqu’un milliard de FBU par mois.

Que dites-vous de l’ « inégalité » dans la distribution du courant ?

Nous avons très peu d’énergie disponible. Actuellement, nous avons seulement 21 MW. Une fois que nous avons servi les sites stratégiques comme les hôpitaux, etc, il nous reste 7MW pour tout le pays. La commune comme Kamenge, à elle seule, consomme 1MW. Idem pour les autres communes populaires. Ce qui signifie que les 7 MW ne peuvent même pas couvrir la ville de Bujumbura. Les gens ne comprennent pas comment ils peuvent passer plus de 12 h sans électricité. Or, vu la quantité d’énergie disponible, c’est possible. C’est pourquoi nous avons pensé à acquérir quelques quantités supplémentaires pour au moins raccourcir le délai de coupure d’électricité. Impossible d’éliminer le déficit énergétique dans l’immédiat.

L’eau est un produit rare dans certains coins de la ville de Bujumbura ©IwacuL’eau est un produit rare dans certains coins de la ville de Bujumbura ©Iwacu
Néanmoins, le Ministre des Finances avait déclaré qu’il n’y aura plus de délestage dès le 1er août. Que s’est-il passé ?

Je crois qu’il pourrait y avoir un malentendu. Le Ministre des Finances l’a dit dans le cadre d’une demande de budget au Parlement. Nous avons proposé au Gouvernement, un budget très important qui incluait l’acquisition de nouvelles sources de production d’énergie thermique et solaire. Si ce budget était là, il ne pourrait pas y avoir des délestages, mais la facture est trop lourde et les moyens ne sont pas disponibles.

Certains de vos agents sont impliqués dans des vols du matériel de l’entreprise. Comment sont traités de tels cas ?

Effectivement, quelques uns de notre personnel participent dans le vol de notre matériel. Depuis 2013, nous avons attrapé plusieurs personnes en flagrant délit. Ces cas sont traités par la police car nous avons des policiers qui travaillent avec nous. Nous avons des OPJ qui les appréhendent. Après, l’affaire est soumise devant la justice. Une dizaine de personnes ont été attrapées au mois de février, et neuf sont sous les verrous. En cas de vol confirmé, la personne est automatiquement licenciée.
Mieux, dans le but d’éradiquer ce phénomène, nous commencerons une publicité adressée au public : si quelqu’un a des informations précises pouvant nous permettre d’attraper des voleurs, nous lui offrons automatiquement une récompense de 60.000Fbu à 200.000Fbu.

Quid des cas d’incendie où les victimes accusent la Regideso d’en être l’origine ?

Quand il y a un incident comme celui-là, automatiquement, le public pointe du doigt la Regideso. Mais, quand nous sommes accusés, nous répondons toujours. Nous avons un service juridique. Quand on reçoit un courrier qui nous met en cause, il est directement donné au service juridique. Nous avons aussi un service d’audit qui mène des enquêtes. On se rend sur le lieu pour voir si réellement, l’incident est provoqué par nos installations. Et dans la plupart des cas, c’est faux.
Dans les ménages, on remarque qu’il y a beaucoup de mauvaises installations. Ceux qui le font ne respectent pas les normes. Souvent, il n’y a pas de précautions sécuritaires comme c’est le cas dans les autres pays. Avant que la Regideso raccorde une maison, il devait y avoir une certification et vérifier si les installations sont bien faites. Mais, il arrive des cas où ces incidents sont causés par nos installations. Et nous prenons toujours nos responsabilités.

Certains quartiers reçoivent très rarement de l’eau, alors que d’autres en ont en permanence …

Je leur demande une large compréhension. Nos infrastructures qui datent de quelques décennies étaient destinées à une population beaucoup moins nombreuse. Par exemple, la plus grande source d’eau c’est le lac Tanganyika. Nous y avons un seul centre de captage appelé usine-lac. Il n’est pas fait pour envoyer l’eau à Kinama, Kanyosha, Buterere, Gihosha, Ruziba, etc. Nous sommes conscients de ce problème.
Notre réaction est la mise en place d’un 2ème centre de captage au niveau de Ruziba et Kabezi. Le financement est déjà acquis et les travaux débuteront en 2015, ce qui nous permettra éventuellement de doubler la capacité d’eau à Bujumbura. D’autres études sont en cours pour capter l’eau des sources des montagnes qui entourent Bujumbura.