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Les élections de 2015 approchent, les esprits s’échauffent, la fièvre électorale monte graduellement. Une et une seule question taraude, que dis-je, turlupine les acteurs politiques burundais : « L’actuel chef de l’Etat, peut-il se présenter comme candidat aux élections présidentielles de 2015 ? ». Le débat sur cette question fait couler beaucoup d’ancre et de salives.

Une partie de la classe politique burundaise croit dur comme fer que l’accord d’Arusha est « saint et sacré », allant même à le hisser au dessus de la constitution post-transition, argumentant que si cette dernière est inspirée de l’accord d’Arusha alors c’est à elle de s’adapter à cet accord et non l’inverse. Pour cette classe l’accord d’Arusha est clair en son article 7 : « La Constitution stipule qu’à l’exception de la toute première élection présidentielle, le Président de la République est élu au suffrage universel direct », « Il est élu pour un mandat de cinq ans renouvelable une seule fois. Nul ne peut exercer plus de deux mandats présidentiels ». Donc l’actuel président n’a pas droit au troisième mandat.

L’autre partie de la classe politique ne l’entend pas de cette oreille, pour elle, d’après la pyramide de Kelsen, la Constitution étant le texte qui institue les différents organes composant l’Etat, elle est donc considérée comme la norme la plus élevée. Pour cette classe politique, la constitution post-transition ne met pas d’exception sur la première élection présidentielle, de plus en son article 96, elle stipule que : « Le Président de la République est élu au suffrage universel direct pour un mandat de cinq ans renouvelable une fois ». Dire  «  être élu au suffrage universel direct », c’est dire « être élu directement par la population (peuple) », or l’actuel Président de la République n’a été élu au suffrage universel direct qu’une seule fois (en 2010). Il a donc droit à un deuxième mandat au suffrage universel direct.
Dans cette situation, peut-on alors parler de conflit entre l’accord d’Arusha et la Constitution post-transition ? Ou tout simplement conflit entre ceux qui ont négocié, signé l’accord pour la paix d’Arusha et ceux qui ont négocié, signés les accords de cessez-le-feu ?

Pour ceux qui ont bien suivi l’historique de l’accord pour la paix d’Arusha, ils ont dit : « la signature de cet accord et la mise en place des institutions de transition sans cessez-le-feu est une faiblesse exploitée par les groupes armés pour discréditer et affaiblir les parties prenantes de cet accord. Ces dernières sont soupçonnées de s’être entendues pour partager les postes de responsabilités sans résoudre les problèmes fondamentaux de la guerre et de l’aggravation de la crise ». Il eut donc fallu les accords de cessez-le-feu pour que la paix revienne. Ceci met en cause la sainteté et le caractère sacré collé à ses accords pour la paix d’Arusha qui par ailleurs ont été signés au forceps, sous une pression internationale intense, avec des réserves qui ont été émis par le gouvernement d’alors et les partis du G10.
Pour conclure, l’accord d’Arusha, c’est un contrat entre anciens G7 et G10 pour le partage du pouvoir tandis que la constitution post-transition est une loi suprême. De ce qui précède, il n’y a pas de conflit. Selon cette constitution, l’actuel président de la République peut bel et bien se présenter aux élections présidentielles de 2015, à condition qu’il le désire et que son parti le désigne comme candidat.

Par Hassan NGENDAKUMANA