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Burundi : appel à un “réveil des consciences” face aux méfaits de la privatisation
APA, 26-07-2014

Bujumbura (Burundi) – Un professeur de l’université du Burundi, Paul Nkunzimana, a appelé vendredi lors d’une conférence, à un “réveil des consciences” face aux méfaits de la privatisation dont les effets pervers se traduisent par la dislocation de l’économie du pays, le chômage ou même la guerre.

“Il est nécessaire de combattre pour la souveraineté, pour la construction d’organisations politiques et syndicales indépendantes des travailleurs, pour la réalisation de l’alliance avec les paysans”, a-t-il dit.

Par ailleurs, a-t-il dit, cette politique de privatisation contraint les institutions à procéder à la hausse des prix des denrées de consommation courante comme le carburant, l’eau, l’électricité, les produits vivriers, et les impôts et taxes sur les produits locaux et importés.

Il a donné l’exemple d’un projet de loi portant révision du budget et qui se trouve actuellement sur la table de l’Assemblée nationale. Ce texte de loi, a-t-il expliqué, “prévoit l’accroissement des impôts, crée de nouvelles taxes sur le sucre, l’eau, l’électricité, les carburants, le bétail grand et petit, le café, les produits de brasserie, les farines, les textiles, l’huile de palme, les tôles ondulées, les clous, en somme tous les produits importés…”

Rappelant le rôle joué par le café au Burundi, le professeur Nkunzimana a fait savoir que selon les années, ce produit phare de l’économie du pays peut représenter de 50% à 90% des recettes d’exportation.

Il a fait remarquer qu’avant la privatisation, l’OCIBU (Office du Café du Burundi) protégeait les producteurs des fluctuations des cours mondiaux du café “mais voilà que d’année en année, un profond découragement a gagné les planteurs qui ont négligé leurs plantations préférant se consacrer aux cultures vivrières plus rémunératrices”.

Avec la privatisation, a-t-il encore dit, “la filière café est aujourd’hui détenue par des sociétés étrangères qui ne se soucient que de leur gain”. Il a donné l’exemple du groupe Webcor qui s’est approprié des stations de lavage dans les provinces de Ngozi et Kayanza (centre du pays) et paye le paysan longtemps après qu’elle ait acheté sa production à 140 FBU de moins par kilo que les usines contrôlées par les autres acteurs de la filière.

Citant différentes études faites par des chercheurs entre autres celles du Centre national de coopération et du développement (Bruxelles), ou celles des autres chercheurs qui ont travaillé pour le compte des organismes internationaux, professeur Nkunzimana a fait savoir qu’avec la mise en œuvre du programme d’ajustement structurel, baptisé en 2003 Cadre stratégique de croissance et de lutte contre la pauvreté (CSLP), dont la privatisation de la filière café fait partie intégrante, les conséquences en sont plutôt désastreuses pour le pays et la population.

Au vu de cette situation, le conférencier n’a pas hésité à comparer la privatisation au pillage. Pour le cas du Burundi, il a cité le rapport d’un chercheur du nom de Pascale Bodinaux selon qui, depuis des décennies, “une taxe de 6OFU/kg de café-cerise a été prélevée sur les producteurs pour rembourser la dette contractée par l’Etat à l’époque de la construction des stations de lavage dans les années 80.”

Ainsi, “les paysans caféiculteurs ont déjà remboursé les crédits qui ont servi à la construction des Sogestals (Société de gestion des stations de lavage) qui sont cédées, à présent à des groupes privés à un prix modique”.

“Webcor a acheté une station en moyenne 77.000 dollars américains, un prix dérisoire. Pour comparaison, l’UE avait injecté en 2008 une moyenne de 130.000 dollars américains pour la rénovation de chaque société”, a encore déploré le conférencier.

En définitive la privatisation contraint le pays au déficit chronique et au démantèlement des institutions notamment celles qui répondaient aux besoins de la population et qui représentaient donc, les bases de l’unité du pays.

Le professeur Nkunzimana a expliqué que cette conférence a été préparée dans le but d’évaluer la situation du pays suite aux exigences de privatisation et de remboursement de la dette extérieure imposées par la Banque mondiale, le FMI et l’UE mais aussi pour un réveil des consciences.